Animées par Didier Dutour, de l’Institut français à Paris, elles se sont ouvertes par deux interventions croisées l’une sur la jeunesse, avec Hedwige Pasquet, directrice de Gallimard Jeunesse et Edmund Jacoby, fondateur de Jacoby & Stuart, l’autre sur la BD, avec Thomas Ragon, directeur de collection chez Dargaud, et Johann Ulrich, de la maison Avant Verlag.
Les statistiques présentées par Margit Müller, de l’association des éditeurs de livres de jeunesse allemands, ont souligné les ressemblance des deux marchés : production (8 142 nouveautés pour l’Allemagne, 12 000 pour la France), parts de marché, dynamisme.
Hedwige Pasquet et Edmund Jacoby ont véritablement dialogué et mis en évidence les similitudes : lectorat féminin, tendance à la surproduction, best-sellers dus au cinéma, faiblesse du marché numérique, hausse de celui de l’occasion. Ils ont aussi pointé les différences: importance du livre cadeau et quasi inexistence du poche en Allemagne, grosses ventes du fonds, niche des grands formats, et livres de jeunesse inscrits au programme de l’Education nationale pour la France.
Surprise et étonnements
Tandis qu’Hedwige Pasquet s’étonne de la nouvelle tendance des garçons de 10-11 ans qui achètent spontanément en librairie. "Le gouvernement offre aussi chaque année un livre aux petits de un an, deux ans et trois ans, soit 400 000 exemplaires pour chaque âge, accompagnés d’un livret expliquant aux familles l’importance de la lecture dans le développement des enfants" a voulu ajouter à ce panorama Klaus Humann, gérant d’Aladin. Parallèlement il se dit épaté parallèlement par le nombre de manifestations françaises pour le livre de jeunesse et par la distribution de chèques-Lire. "Il y a des leçons à prendre des deux côtés" confirme Hedwige Pasquet. "J’aurais aimé qu’ils approfondissent la question du genre ("gender"). C’est une tendance de la société mais l’édition doit-elle y céder ?" commente Kathrin Jockusch, de Gerstenberg. "J’attendais davantage un partage d’expérience et des exemples encore plus concrets" renchérit Hendrik Hellige, de Kleine Gestalten.
Romans graphiques
Côté bandes dessinées, Thomas Ragon, qui a brillamment démontré les liens historiques de la BD et de la presse, a insisté sur le renouveau du genre dû au roman graphique, sur la vie trop rapide des livres en librairie ("parfois une semaine, quinze jours, j’aimerais bien un mois" a-t-il déploré), et sur la paupérisation des auteurs. Tandis que Johann Ulrich a raconté que si le roman graphique a donné une meilleure image de la BD auprès du public allemand, la production reste moins importante qu’en France, et qu’elle "a du mal à toucher les jeunes lecteurs et s’adresse à un lectorat vieillissant, proche des collectionneurs".
Il a cependant vanté le "Graphic Novel Day", qui aura lieu le 14 septembre avec Ryad Satouf pour invité, et les prix décernés à la BD, toujours dotés, qui aident les illustrateurs. La matinée a été clôturée par Sophie Castille, de Mediatoon, qui a présenté le projet "Europe Comics", dont le site devrait ouvrir ce mois-ci.
Les rendez-vous entre responsables de droits et éditeurs allemands ont suivi l’après-midi du 2 juillet et le 3 juillet (tandis que la visite de la librairie Dussman Kulturkaufhaus était prévue en clôture) : les plannings de quinze à vingt rendez-vous sur les deux jours étaient complets. "C’est l’occasion de rencontrer des éditeurs, parfois de petites maisons, qu’on n’a pas le temps de voir à Francfort ou à Bologne. Symboliquement, c’est aussi important d’aller voir les gens chez eux. Cela me permet de défricher aussi le terrain de la BD pour Rue de Sèvres" note Isabelle Dharty, de L’Ecole des loisirs. "L’ambiance est plus décontractée et nous pouvons consacrer davantage de temps à nos interlocuteurs habituels" ajoute-t-elle. "Les Allemands ont changé dans leurs goûts, leur marché aussi. C’est plus facile de leur vendre des droits" note Sabine Louali, des Grandes personnes. "Cela nous permet aussi de sortir des titres du fonds alors que dans les foires, on a juste le temps de présenter les nouveautés" explique Aurélie Lapautre, d’Albin Michel Jeunesse. "La difficulté, c’est éviter que le soufflet retombe : il va falloir entretenir la flamme. Il faudrait que le bureau français prévoit des actions pendant l’année" conclut Hedwige Pasquet.
Avec ce premier rendez-vous, le Bief et l’Institut français inaugurent une série de rencontres entre éditeurs allemands et français, pour préparer Franckfort 2017, dont la France sera l’invitée. Le prochaine aura lieu les 17 et 18 septembre sur le livre d’art, une autre est prévue en décembre sur la littérature, et les éditeurs allemands de sciences humaines et sociales devraient venir à Paris rencontrer leurs homologues français début 2016.