Organisée conjointement par l'Institut français et le Festival Quais du polar de Lyon, l'opération a pris pour modèle la manifestation lyonnaise - auteurs invités, tables rondes, grande enquête dans la ville et ateliers d'écriture numérique pour les jeunes - et s'inscrit dans le programme de la France invitée d'honneur à la Foire du livre de Francfort.
Les thèmes des trois tables rondes ont aussi séduit les participants à la soirée : "Vérité romanesque. Pourquoi privilégier la fiction pour décrire des réalités sociales et politiques complexes" ; "Les lieux du crime : une littérature-monde en français" ; "Paris Noir. Réalité, distancié ou historique, regards croisés de trois auteurs sur la capitale française", émaillés de lectures en français et en allemand des œuvres des invités. "C'est l'originalité du thème qui nous a fait venir" commente Sarah Neis, francophone venue parce qu'elle avait "envie d'entendre parler français" et "sensible à l'ouverture à la francophonie". "Nous avons été surprises par le côté très professionnel de la soirée, avec la traduction simultanée et par le choix des auteurs" confirme sa sœur Lisa.
Le crime est ailleurs
De fait, les réalités sociales et politiques de la France, fer de lance du roman noir français, ont pris une résonnance particulière en cette période d'élections et de bouleversements politiques dans plusieurs pays. "J'ai été syndicaliste et militante politique, je ne le suis plus. L'arrivée de François Mitterrand en 1981 a marqué la fin de mes espoirs. J'avais la certitude que la France s'engageait dans une période durant laquelle la gauche plongeait dans des catastrophes jusqu'à sa disparition. On y est presque" a d'emblée déclaré Dominique Manotti en introduction au premier débat. "Le crime, ce n'est pas quelqu'un qui tue un autre individu, c'est autre chose, c'est Volkswagen, qui décide froidement d'asphyxier les gens. Le vrai crime est là " a-t-elle ajouté plus tard, provoquant des applaudissements. Caryl Ferey a aussi fait rire la salle en remarquant : "Je regarde depuis tout à l'heure le traducteur dans la cabine, il ressemble à Benoît Hamon". Yanis Otsiémi a insisté : "J'écris pour le peuple gabonais. Le roman noir est le meilleur moyen de réveiller mon pays, qui souffre d'une telle corruption qu'il ne voit jamais les politiques traînés en justice. Or ce sont eux qui décident de ce qu'on mange, de ce qu'on apprend à l'école et régissent toute notre vie". Tandis que la lecture du roman Le bloc, dans lequel Jérôme Leroy imagine un parti d'extrême-droite au pouvoir, donnait des frissons.
Bilan très positif
Les organisateurs comptent renouveler l'opération en 2018. "Le bilan est très positif. Le public, pas toujours francophone, a plutôt l'habitude d'écouter les auteurs lire leurs textes que d'écouter des débats, été attiré par le concept d'une nuit du polar. L'enquête était aussi totalement inédite pour eux et a intéressé nos partenaires dans la ville ainsi que la municipalité" commente Marie-Pierre Liebenberg, qui souhaite améliorer communication sur l'enquête et espace librairie, mais compte toujours sur l'aide de Quais du polar. "Cela nous encourage à développer ce type d'événements dans d'autres pays, pour défendre les auteurs français. Le polar est une bonne entrée pour faire connaître la littérature française" conclut de son côté Hélène Fischbach.