Tout le monde a croisé un jour où l'autre le trait élégant de François Avril. En regardant l'affiche de Paris Plages 2012, ou celle de Jazz à Vannes. Dans les pages de Challenges ou de La Vie, hebdomadaire pour lequel il a récemment illustré la rentrée littéraire. En achetant les "petits polars du Monde", notamment Crise de nerfs de Chantal Pelletier et Ce crétin de Stendhal de Jean-Bernard Pouy.

A la rentrée, on retrouve une large palette de son talent singulier dans le bel Artbook que propose Le Chêne. Pêle-mêle, s'y côtoient de l'acrylique, des encres, des dessins à la mine de plomb ou aux crayons de couleur. Des paysages de campagne et des bords de mer, des «villes patchwork" réinventées par ses lignes graphiques et pures. L'homme qui reçoit dans son atelier du 9e arrondissement, à quelques encablures de son domicile, charme d'emblée.

Mèche de titi parisien, barbe courte, oeil vif, Avril a de faux airs de Sean Penn, en moins musculeux. Sur une table, on repère une pile de livres de Saul Steinberg, chez Knopf. Aux murs, rien de lui, mais des originaux de bande dessinée signés Caniff, Sempé, Burns ou Schuitten. Il vient ici chaque matin vers dix heures, y travaille très tard et y refait parfois un saut après le dîner afin de plancher jusqu'à deux heures du matin en écoutant Massive Attack ou Lou Doillon. La journée démarre immanquablement de la même manière : en allumant l'ordinateur. Outil dont il s'est longtemps passé, qui lui sert à communiquer, à envoyer des fichiers imprimables, mais pas à dessiner.

François Avril a vu le jour en 1961 à Paris, dans le 12e arrondissement. Il a vécu tour à tour aux Sables-d'Olonne, à La Rochelle, en banlieue. Maître d'oeuvre de gros chantiers, son père écoutait du jazz, dessinait pour le plaisir et avait surtout "une pièce à lui". Le dessin, il a toujours voulu faire ça, alors que ses parents l'incitaient à ce qu'il aille vers "un vrai métier". Aux Arts appliqués, il rencontre deux personnages décisifs : Olivier Kuntzel et Charles Berberian. Avec le premier, il pose en couverture des Meilleures publicités 1984 aux jeunes éditions Rivages, un vrai collector. Le second lui offre le scénario de Sauve qui peut !, petit album édité chez Carton en 1987, une "histoire de rats apocalyptique" ! Dans la foulée de l'école, il a eu rapidement un agent et des commandes dans la presse, de Jeune et jolie à Je bouquine, alors qu'il savait "ne pas encore être au point mais sincère". Il dit venir de la BD, même s'il en a au fond peu publié, tant il avoue que c'est un vrai "travail de titan". Lui reconnaît dessiner "le moins possible, de la manière la plus minimale" !

Avec Floc'h et Chaland

François Avril, qui compte Anna Gavalda parmi ses admiratrices, a été très lié au génial Chaland, son meilleur copain et son "professeur", qu'il voyait tous les jours et qui l'encourageait. Il a joué au golf en Angleterre avec Floc'h. Du temps où les comparses partageaient le même tailleur et rentraient de l'autre côté de la Manche à fond de caisse en écoutant les Ramones. L'artiste est un faux lent qui multiplie les projets. Peu avant la parution de son Artbook, est ressorti aux Humanoïdes associés Soirs de Paris. Son troisième livre après Sauve qui peut ! et Le chemin des trois places, réalisé en tandem avec Jean-Claude Götting chez Futuropolis.

Il faut redécouvrir cet album muet et culte, conçu avec Petit-Roulet et dont il a redessiné la couverture en récupérant l'originale, achetée naguère par un collectionneur ! La bande dessinée, il n'y a pas totalement renoncé puisqu'il a depuis un moment dans ses cartons vingt-cinq pages d'un album destiné à la collection "Aire libre" de Dupuis, avec un scénario de Ted Benoit. En attendant, Avril s'occupe de la communication de la marque John Lobb, la Rolls de la chaussure, distille des plaquettes chics chez Alain Beaulet éditeur dans la collection des "Petits carnets", qu'il a initiée d'après les cartes de voeux de nouvel an de l'éditeur et écrivain José-Louis Bocquet.

Celui qui a signé beaucoup de livres pour la jeunesse chez Nathan, Albin Michel et Bayard aime les commandes et les contraintes. Avec du papier machine et un crayon, il attaque dès qu'il a le sujet, toujours curieux de tenter de nouvelles techniques. Le résultat se révèle à chaque fois enchanteur.

Artbook, François Avril, Le Chêne, 39, 90 euros, 256 pages, ISBN : 978-2-8123-0728-7. Sortie : 3 octobre.

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