C’est le lieu le plus chaud de la Cité des congrès de Nantes à chaque édition des Utopiales : la librairie. Pendant tout le festival, et le samedi après-midi en particulier, on y joue des coudes tandis que les files de lecteurs serpentent entre les étals pour mener à la caisse ou à un auteur en dédicace. Pour obtenir celle de Mathieu Bablet, qui a signé la très attendue BD Silent Jenny (Label 619), il faut par exemple compter jusqu'à une heure et demi d’attente.
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À la table de l'astrophysicien Roland Lehoucq, par ailleurs président de l'association des Utopiales, se présente une jeune femme qui lui tend deux livres… avant d’en sortir encore cinq de son sac. Un auteur voisin lui propose un numéro de Bifrost, édité au Bélial, où écrit également le scientifique. « Je suis ruinée ! », réagit-elle, avant de succomber à la tentation.
275 000 euros de chiffre d’affaires en 2024
Quelque 28 000 livres (soit 12,5 tonnes de papier) ont été proposés sur table cette année, légèrement moins qu'en 2024 en raison de la suppression du mercredi après-midi. Mais le point de vente éphémère, géré par le collectif nantais Les librairies complices, fondé en 2012 et rassemblant neuf librairies indépendantes de Nantes, continue de se présenter comme « la librairie de SF la plus complète d’Europe ». Son chiffre d'affaires, qui s'élevait l'an dernier à 275 000 euros HT, est d'ailleurs plus élevé que celui de la billetterie du festival lui-même (220 000 euros en 2024).
« On craint la rupture sur certains titres », glisse le libraire Antoine Gauthier, rencontré le samedi matin avant la séance de dédicaces de Christelle Dabos et de Mathieu Bablet. Face au succès, son confrère Daniel Cousinard, gérant de la librairie Durance, rapporte s'interroger « pour installer une quatrième caisse ».
Des libraires aux manettes
Ici, pas de stands d’éditeurs limités à ceux qui peuvent payer leur place : mais une grande librairie éphémère avec des libraires conseillers. Ce qui libère les éditeurs pour d’autres activités comme l’accompagnement de leurs auteurs. « Et permet de promouvoir la librairie indépendante », rappelle Daniel Cousinard.
La caractéristique des Librairies complices est qu'elles font caisse commune pendant le festival. Outre les Utopiales, elles se retrouvent également au festival Atlantide, aux Folles journées de Nantes et lors d’autres événements ponctuels.
Achat facilité
Pour les clients, le parcours est fluide : pas de paiement à chaque table mais seulement à la fin d’une longue déambulation (et file d’attente qui n’incite pas à redéposer un livre parce qu’on réalise en avoir trop pris…).
Avantages pour les libraires : pas besoin de se battre pour tenir le stand de tel auteur ou maison d’édition qui seraient plus prometteurs que d’autres. « Cela permet de se rencontrer et de ne pas être dans la compétition », loue Daniel Cousinard.
Pour le distributeur et la ville de Nantes, l’avantage est d’avoir un seul interlocuteur. Les librairies indépendantes, dont la taille et les ressources humaines sont modestes, peuvent de leur côté mutualiser la création d’événements et la recherche de partenaires.
Carte de fidélité commune
Avec toutefois certaines limites. Il n'est pas toujours simple d'« arriver à mobiliser plusieurs libraires pour monter des projets communs - qui sont moins prioritaires que ceux propres à chaque librairie », constate Daniel Cousinard. Le gérant de Durance vante cependant cette autre initiative : la carte de fidélité commune aux neuf librairies. « Cela permet de faire tourner les clients. »
Le collectif a plusieurs projets en développement : un événement culturel en 2026 et le relais sur le site de l’association de l’actualité des librairies, qui conservent chacune leurs spécificités.
