1er septembre > Essai France > Frédéric Gros

Désobéir, certes, mais à qui ? A tout le monde, ce serait dangereux. A personne, ce serait idiot. Alors, que cache ce verbe qui revient à la mode, via la France insoumise et les rééditions de Thoreau avec son concept de "désobéissance civile" ? Frédéric Gros fait le point sur la question dans cet essai précis et percutant. En bon agrégé de philo, il cerne son sujet par cercles concentriques et analyse les différentes formes de désobéissance (la soumission, la subordination, le conformisme, le consentement, etc.) illustrées par des exemples frappants comme le procès d’Eichmann ou l’expérience de Milgram. Professeur à Sciences po, il sait aussi transmettre clairement, ce qui explique son passage par le roman. L’année dernière, il avait consacré un récit à Urbain Grandier, le curé de Loudun (Possédées, Albin Michel).

Le résultat de ce Désobéir nous entraîne dans un sujet on ne peut plus d’actualité, très politique, mais qui reste au cœur même de l’exercice philosophique. Depuis Platon et son "es-tu sûr de penser ce que tu penses ?", la philosophie chemine comme une revendication de vérité mais aussi telle une liberté de penser contre l’évidence. Ainsi on avance en désobéissant à soi-même, en remettant en question l’ordre que l’on s’intime, inconsciemment ou pas.

Frédéric Gros insiste sur le "soi indélégable" qui fait désobéir. Il montre bien que l’on désobéit le plus souvent parce qu’on ne peut plus continuer d’obéir. "Si je ne suis pas moi, qui le sera à ma place", écrit Thoreau. "Ce qui nous fait désobéir, assure Gros, c’est le bricolage tenace de nos inquiétudes éthiques." En fait, on désobéit pour éviter d’accepter l’inacceptable.

Auteur de Marcher, une philosophie (Carnets Nord, 2009, Champs Flammarion, 2011), éditeur des derniers cours de Michel Foucault au Collège de France et de ses œuvres dans la "Pléiade", Frédéric Gros offre une réflexion sur la responsabilité. L’acte de désobéir ne se conçoit pas sans elle. La désobéissance ne se conçoit pas sans interroger l’obéissance ou encore la "servitude volontaire", pour reprendre la formule de La Boétie. A partir d’une éthique du politique, Frédéric Gros pose le problème de la désobéissance qu’il replace au cœur de l’histoire de l’homme et de la démocratie. "La vérité, c’est une erreur majoritaire", écrit-il. De quoi stimuler la réflexion pour la rentrée. L. L.

Les dernières
actualités