Court volume composé de réflexions éclatées, parfois de versions remaniées de textes écrits pour des journaux et des revues, Football de Jean-Philippe Toussaint paraît mince face à l’ambitieux cycle de "Marie", ensemble romanesque en quatre volumes achevé en 2013 avec Nue. De son côté, l’auteur de La mélancolie de Zidane (Minuit, 2013) avertit : "Voici un livre qui ne plaira ni aux intellectuels, qui ne s’intéressent pas au football, ni aux amateurs de football, qui le trouveront trop intellectuel. Mais il me fallait l’écrire, je ne voulais pas rompre le fil ténu qui me relie encore au monde." Qu’il se rassure : au moins cette méditation digressive, à la nostalgie plus prégnante, traversée d’un désarroi plus angoissé que d’ordinaire, séduira-t-elle ceux qui sont sensibles à la dimension métaphysique du Jogo, le Jeu, comme disent les Brésiliens.
L’écrivain esquisse un autoportrait en supporter : du premier match de Coupe du monde vu dans les gradins d’un stade, le 10 juin 1998, à ceux joués dans la cour de l’école primaire à Bruxelles. Du voyage au Japon en juin 2002, entre match et conférences littéraires, à la séance de tirs aux buts de la demi-finale Argentine-Pays-Bas du Mondial 2014, écoutée en Corse sur une radio italienne un soir d’orage. Le voilà en téléspectateur seul dans une chambre d’hôtel tokyoïte ou dans la foule, avec paire de jumelles et casquette aux couleurs de la Belgique… "J’ai connu des stades combles et des cafés déserts."
Loin des considérations sur le sport comme phénomène de société, Toussaint cherche, derrière le rite collectif prosaïque, l’enjeu existentiel caché du football : la qualité de présent qu’installe un match, son pouvoir extracteur du réel, la connexion directe avec l’enfance. "Je fais mine d’écrire sur le football, mais j’écris, comme toujours, sur le temps du passe." C’est la mélancolie de Toussaint. Véronique Rossignol