Que se passe-t-il lorsque l'on ferme des bibliothèques ? En 2010, le gouvernement britannique ordonnait des coupes budgétaires drastiques qui ont conduit à la fermeture de 800 bibliothèques en dix ans, sur les 4 300 initialement gérées par des conseils locaux et rémunérant 32 000 personnels. En 2016, ces derniers n'étaient plus que 24 000, et 500 bibliothèques n'étaient plus gérées que par des bénévoles. Cela a accentué les inégalités sociales : « Dans les quartiers aisés, les bénévoles étaient souvent des retraités qualifiés, mais dans les plus populaires, il était plus difficile de trouver des bénévoles qui s'engageaient sur le long terme », observe Cécile Touitou, responsable de la cellule Prospective à Sciences Po.

Pas facile de mesurer les conséquences des fermetures sur les réussites aux examens des étudiants, le goût de la lecture des Britanniques ou le nombre d'écrivains en devenir dont la créativité a été inhibée. « Quand on ferme des bibliothèques, ce sont des Mozart que l'on assassine », a lancé l'écrivain Philip Pullman. Pour Cécile Touitou en tout cas, qui a dirigé Bibliothèques publiques britanniques contemporaines. Autopsie des années de crise (La Numérique, juin 2020), « des sociologues constatent que ces établissements culturels sont bénéfiques au quartier où ils sont implantés, avec un effet apaisant sur le bien-être des riverains ».

Une des justifications du gouvernement : s'adapter aux usages en proposant davantage de contenus numériques. « Mais les lecteurs les moins attachés à la lecture n'aiment pas plus les livres numériques, déplore Cécile Touitou. Ce sont les gros lecteurs de livres imprimés qui sont les lecteurs d'e-books. N'offrir que du numérique est encore un facteur d'inégalités. Par ailleurs, on le voit dans la bibliothèque de Sciences Po, même si elle propose des ressources en ligne, elle est pleine d'étudiants : ils ont besoin de se voir et de travailler ensemble ! » Mozart n'aurait pas été Mozart sans ses amis.

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