Il y a fort à parier que le héros de l’épatant premier roman de Jérôme Prieur est persuadé que les femmes sont magiques, comme le clamait Antoine Doinel dans les films de Truffaut. Lorsqu’on le découvre, monsieur est un homme à la mer. Au sens propre puisqu’il se trouve en bien mauvaise posture dans l’Atlantique pour ne s’être pas assez méfié d’une baïne mauvaise. Son salut, il le doit à l’arrivée d’une providentielle surfeuse, sirène blonde, saine et sportive. Quand il la revoit, après s’être remis de ses émotions, elle lui demande tout de go s’il est prêt à tuer quelqu’un qu’il ne connaît pas !
La blonde, qu’il décide de baptiser Oslo « pour qu’elle ait un nom », l’incite à retrouver une femme et à la faire disparaître. Puisqu’il a conscience qu’il est grand temps pour lui de faire quelque chose de sa vie, le narrateur de Jérôme Prieur se lance donc sur la piste d’une dénommée Madeleine. Celle-ci a eu deux maris, le second étant le beau-frère du premier ! Dans son appartement parisien où il parvient à s’introduire, il tombe sur une moquette vert gazon et un frigo rempli de doses de sauce soja !
L’auteur de Séance de lanterne magique (Gallimard, « Le chemin », 1985) et de Roman noir, essai sur la littérature gothique (Seuil, « La librairie du XXIe siècle », 2006) entraîne le lecteur de surprise en surprise et déploie une fantaisie réjouissante jamais démentie.
Impossible de résister longtemps au charme qui se dégage de son coup d’essai vif, enlevé, léger et pétillant. Impossible aussi de ne pas se prendre d’emblée de sympathie pour son protagoniste au cœur d’artichaut. Un type qui se souvient d’une Natascha qui estimait qu’elle avait trop de cheveux et dont il est longtemps resté épris, ou d’une Liza dont il aimait la manière de dire « carrément » à tout bout de champ. Un type capable de surcroît de déclarer : « J’adore les hôtesses de l’air rien que pour leur nom. Aussitôt je me rappelle l’ouvreuse du Louxor qui me chuchotait dans le faisceau de sa lampe torche : “Dépêchez-vous d’entrer ! J’ai peur du noir.? » Alexandre Fillon