18 mai > Premier roman France > Franck Thomas

L’incontrôlable dictateur mafflu de ce pays d’Asie orientale, qui aime jouer avec ses ogives nucléaires et les nerfs de la communauté internationale, meurt. La Terre pourrait se sentir illico soulagée d’un des points les plus névralgiques de sa surface, mais ce serait sans compter sur la pérennité de la dynastie des Kim: l’ado, rejeton du tyran disparu, qui lui succède est encore plus fou que feu son géniteur joufflu. Jon-Hee est prêt à faire péter la planète. L’apocalypse a beau être proche, cela n’empêche pas les personnages de La fin du monde est plus compliquée que prévu de Franck Thomas d’être d’abord empêtrés dans leur marasme existentiel. Sylvestre Bonenfant, l’antihéros principal, traducteur-interprète, trilingue anglais-italien-breton, quoiqu’il fasse montre d’une excellente aisance linguistique et verbale, est peu loquace hors la vie professionnelle. Le célibataire, jeune mais déjà endurci, consacre son temps libre au train électrique. Atrabilaire paradoxal, il dépense son pécule en dons caritatifs divers et variés. Sylvestre veut bien aider les autres du moment que son prochain lui fiche la paix. Paix bien précaire eu égard à l’imminence de l’embrasement global (à l’Onu, c’est le branle-bas diplomatique) et vu qui débarque chez lui: Anne, rencontrée trois mois plus tôt à Pôle emploi lorsqu’il était au chômage, et qui le poursuit de ses assiduités. Célibataire mais non moins homme: "Décidément, non, pas de nostalgie possible. C’était clair : Anne serait très bien pour tenir jusqu’à la fin de la semaine, mais Celeste2036 idéale ensuite.""[…] Oui, le protagoniste de cette histoire est un mufle. Qui plus est, manipulateur. Et misanthrope, voilà. Après plusieurs pages d’indécision, impossible de se voiler plus longtemps la face. C’est un peu gênant, il faut le reconnaître. Mais bien qu’une telle découverte n’appelle pas la nuance, il est toutefois permis de s’interroger sur les origines d’une si mésestimable disposition." Le narrateur-démiurge truffe ce premier roman d’apartés ironiques. Il pimente les tribulations de Sylvestre de situations absurdes, avec la complicité d’autres losers hauts en couleur: le lieutenant Caprice Bernardini, la "gendarmette" maniaco-dépressive; le tocard du Quai d’Orsay Patrick Grosjean; Jef, le "dernier des Mohicans" de la boutique de modélisme; les "3 K", un trio d’ersatz de racailles.

Au rythme haletant d’une série télé, une semaine dramatisée en autant de parties qu’il en fallut à Dieu pour créer le monde dans la Genèse, sauf que là il s’agit de le sauver et l’on risque bien de mourir… de rire.

Sean J. Rose

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