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Anne Rotenberg et Sylvia Minne (Paris des femmes) : « Le théâtre est une écriture particulière »

Anne Rotenberg et Sylvia Minne, organisatrices et directrices du festival Paris des Femmes - Photo Francesca Mantovani

Anne Rotenberg et Sylvia Minne (Paris des femmes) : « Le théâtre est une écriture particulière »

Du 9 au 11 janvier 2025, le théâtre de la Pépinière accueille le festival Paris des femmes, fondé en 2012 par Anne Rotenberg, Véronique Olmi et Michèle Fitoussi et dédié à la création théâtrale féminine. Durant trois soirées, neuf autrices de renom, de Clara Dupont-Monod à Ovidie, en passant par Camille de Peretti, s’essaient pour la première fois à l’écriture de la scène autour d’un thème imposé, cette année le désir. Pour l'occasion, Livres Hebdo a rencontré Anne Rotenberg et Sylvia Minne, directrices et organisatrices de l'événement depuis 2017. 

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Par Adèle Buijtenhuijs
Créé le 10.01.2025 à 15h25

Livres Hebdo : Anne Rotenberg, pouvez-vous présenter le festival, vous qui faîtes partie de l'aventure depuis le début ? 

Anne Rotenberg : J'ai co-fondé ce festival il y a 12 ans avec la romancière Véronique Olmi et la journaliste et écrivaine Michèle Fitoussi. À l’époque, le constat était simple : aucune d’entre nous n’était en mesure de citer l’équivalent féminin de Molière ou Shakespeare. Alors nous est venue l’idée de créer un festival pour favoriser l’émergence de femmes dramaturges. À partir de là, nous avons pris notre bâton de pèlerin et sommes allées rencontrer un directeur de théâtre qui a aimé le projet. Véronique, Michèle et moi l’avons programmé ensemble pendant cinq ans avant qu'elles ne décident d’arrêter pour se consacrer davantage à leur métier d’écrivaine. 

Comment s’est passée votre rencontre en 2017 ?

Sylvia Minne :  Il y a dix ans, j'ai lancé le projet Reading wild où je partais à la rencontre d'artistes dans l’idée de les interroger sur leur rapport à la lecture. C’est dans ce cadre que je me suis rendue au Paris des femmes et que j’ai rencontré Anne. Après avoir échangé, elle m’a proposé de continuer l’aventure du festival avec elle. Cela s’est fait tout de suite, c’est assez incroyable car nous ne nous connaissions pas tant que ça. 

A.R : C’était une évidence, un véritable coup de cœur amical et professionnel, je savais que c'était la bonne personne. Et j'ai eu la chance que Sylvia dise oui ! Ensemble, nous avons enrichi le festival au fil des ans avec de nouvelles figures, des voix totalement polyphoniques.

« Le théâtre de la Pépinière est un lieu très affinitaire et surtout de création »

Comment fait-on pour créer un festival, avec quel budget ? 

A.R : Avec quelques contacts, c'est un peu le nerf de la guerre et puis surtout avec notre expertise. À l’époque, Michèle et Véronique représentaient déjà deux noms solides dans le milieu tandis que moi j'avais quand même roulé un peu ma bosse.

S.M : Il faut également rappeler que la vie d’un festival comme le nôtre dépend également d’un directeur de théâtre, dans notre cas Caroline Verdu. Car un événement qui dure trois soirs oblige à suspendre la programmation du théâtre, ce qui impacte forcément ses recettes. Cet engagement est donc fondamental : sans lieu, pas de festival, sans théâtre, pas de représentation. Aujourd’hui, nous fonctionnons en trio : Caroline nous donne beaucoup de force à travers ses équipes, sa communication et son public.

À ce propos, quel type de public rencontre-t-on au festival ? 

S.M : C’est un public curieux mais surtout fidèle. Les gens reviennent d’un soir sur l’autre grâce au thème qui harmonise le tout et même d’une année sur l’autre. Il faut dire que le théâtre de la Pépinière est également un lieu très affinitaire et surtout de création, dans le même esprit que le festival. Alors si vous êtes fidèle à la Pépinière vous avez ce goût pour la création. 

A.R : Le public nous fait confiance, les gens viennent à l’aveugle vivre une expérience, avec chaque soir des pièces différentes. C’est un peu comme une pochette surprise où l’on ne sait pas ce que l’on trouve à l’intérieur !

Comment sélectionnez-vous les autrices participantes ? 

S.M : En fonction du thème de l’édition, nous réfléchissons ensemble à neuf autrices, qui viennent d’univers différents et qui pourraient représenter une forme de complémentarité tout en correspondant au thème imposé. Ensuite, nous les invitons à participer et à nous soumettre un texte théâtral court en lien avec le thème et un nombre de signes à respecter. La plupart du temps c’est un grand oui.

« Nous voulons à travers ce festival offrir la possibilité aux femmes d’écrire du théâtre et qu’elles se sentent légitimes à le faire »

Pourquoi les autrices que vous invitez sont-elles déjà plus ou moins connues du public ?

S.M : Nous voulons à travers ce festival offrir la possibilité aux femmes d’écrire du théâtre et qu’elles se sentent légitimes à le faire. Mais évidemment, le principe de création suppose d’aller les chercher, il faut donc que nous connaissions leur travail. Nous voulons leur donner un élan, créer une vocation, une envie, en tout cas, leur donner le droit d’essayer. Car lorsque vous écrivez un roman vous êtes seule. Le théâtre, c’est une écriture très particulière qui demande d’intégrer plusieurs dimensions : la scène, les comédiens et le metteur en scène. 

A.R : Ce ne sont pas toutes des vedettes ! C'est une véritable expérience pour elles qui sont novices dans le genre théâtral. D’ailleurs, au début, certaines me disaient qu’elles n’osaient pas écrire pour le théâtre, pensant que ce n’était pas pour elles, car c’est vraiment difficile d’y accéder. Aujourd’hui, elles ont l’occasion de tester leur texte sur scène avec la certitude qu’il sera vu et même plus que ça, publié et diffusé en librairie avec les éditions de l’Avant-scène théâtre.

Il y a donc une réelle volonté de les rendre visibles et de communiquer autour de leurs productions… 

A.R : Tout à fait. Nous faisons en sorte d’inviter des professionnels, directeurs de théâtre, agents, producteurs et tourneurs, au festival pour maximiser cette visibilité et créer des rencontres qui puissent donner lieu à des collaborations, comme cela a déjà été le cas avec Nina Bouraoui par exemple qui a vu sa pièce courte Potage devenir un opéra. 

S.M : L’idéal pour nous d’ailleurs serait de pouvoir accompagner davantage les autrices tout au long de l’année en les aidant à développer leur réseau. Mais pour cela il faut des moyens… 

A.R :  Oui, c’est une économie fragile. Chaque année, le festival est remis en cause et nous nous demandons s’il pourra à nouveau avoir lieu.

Avec douze éditions derrière vous, vous semblez pourtant avoir trouvé une bonne recette… 

A.R : S’il y avait une bonne recette je passerais des nuits plus tranquilles… 

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