Avant-critique Poésie

Amanda Gorman, "Donnez-nous le nom de ce que nous portons" (Fayard) : Poésie engagée

Amanda Gorman - Photo © Kelia Anne

Amanda Gorman, "Donnez-nous le nom de ce que nous portons" (Fayard) : Poésie engagée

La poétesse américaine Amanda Gorman confirme son talent dans ce recueil qui cueille la violence et la beauté du monde.

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Par Kerenn Elkaim
Créé le 30.09.2022 à 14h00

Lors de l'investiture du président américain Joe Biden, elle a électrisé les foules avec sa jeune assurance, la fulgurance de son regard et son poème intense « La colline que nous gravissons ». Amanda Gorman est ainsi sortie de l'anonymat. L'éclat de sa voix s'impose une nouvelle fois avec ce recueil poétique, qui confirme la puissance de sa musique et la maturité de ses propos en prose. « Les mots sont importants, car / La langue est un art, / La langue est le savoir-faire de la vie. » Pas de doute, elle la manie avec brio. Gorman s'amuse aussi dans la forme, puisque ses poèmes sont parfois composés en poire ou en sablier − un seul regret, ne pas avoir accès à la version bilingue de son travail ciselé. « Écrire une lettre au monde en tant que fille du monde » est l'objectif avoué de ses textes, ancrés dans son identité américaine et citoyenne. Elle saisit notre univers dans ses réalités violentes, racistes ou guerrières, tout en dénonçant la tragédie des migrants ou la crise écologique. Témoin du quotidien, Amanda a été très inspirée par cette ère particulière du Covid. « Qui sommes-nous / Sinon ce que nous faisons de l'obscurité. » La poétesse y plonge sans gilet de protection. « Ce que nous avons vécu, / Demeure indéchiffrable. Nos cicatrices sont les plus éclatantes / Parties de nous-mêmes. » Elle avoue clairement que « Nous avons tous besoin d'endroits où déposer notre chagrin. » C'est pourquoi sa feuille de papier se fait le buvard de ses émotions, transformées en art. Parfois, elle va loin... « Que sommes-nous sinon la curiosité d'ouvrir les cercueils que nous portons. » La mort s'intègre à la vie, mais elle ne nous empêche pas d'être tournés pleinement vers Éros ou l'espoir. « Nous ferons de notre mieux pour veiller / À ce que personne ne doive vivre sans amour. » Aussi Gorman prône-t-elle d'avantage de solidarité entre les êtres. Engagée, elle anime des projets d'alphabétisation. « Nous enseignons aux enfants : / Laissez une marque sur le monde. » La sienne est indéniablement reliée à l'encrier, comme mode d'expression et de transmission. « Quand nous racontons une histoire, / Nous sommes en train de vivre / La mémoire. Si nous ne sommes pas morts / Écrivez / Écrivez / Pour être » et ne pas stagner dans les sables mouvants de nos peurs. « Nous allons de l'avant en abritant / aussi cette unique vie. »

Amanda Gorman
Donnez-nous le nom de ce que nous portons Traduit de l'anglais (États-Unis) par Santiago Artozqui
Fayard
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 18 € ; 240 p.
ISBN: 9782213721200

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