Les bibliothèques françaises victimes de pressions, voire de censures ? Récemment, plusieurs alertes ont été lancées en ce sens. La semaine dernière, l’association Bibliothèques en Seine-Saint-Denis a exprimé dans un communiqué son inquiétude face à de nouveaux cas de censure dans les établissements de son réseau : "L’association souhaite alerter élu(e)s et professionnel(le)s […] sur ces dérives, qui prennent des formes diverses : contrôle des listes d’acquisition, censure complète ou partielle d’expositions, de rencontres […] et vont à l’encontre du travail des bibliothécaires."
Ainsi, une exposition sur les "jeux de genre" a été annulée en catastrophe dans une bibliothèque du 93, suite à une série de textos conduite par l’enseignante Farida Belghoul, qui avait pris parti contre l’enseignement de la théorie du genre à l’école. Une rencontre prévue avec le géopolitologue Pascal Boniface à la bibliothèque des Lilas a été annulée à la demande de la mairie (PS) de la ville, en mars 2015, en pleine campagne pour les élections municipales. Ainsi que le constate une bibliothécaire, qui souhaite rester anonyme : "Nous assistons à un glissement inquiétant où la communication et les enjeux politiques s’immiscent dans notre travail de bibliothécaire. C’est d’autant plus dommage que cela émane souvent, en Seine-Saint-Denis, de municipalités ancrées à gauche."
Difficile d’en savoir plus. "Je sors de mon devoir de réserve si j’en parle", indique une bibliothécaire. "Je prends de gros risques pour mon emploi ", s’inquiète un autre. "Ces réactions constituent un indicateur du climat d’inquiétude dans lequel travaillent un certain nombre de professionnels", assure Pauline Maître, de l’association Bibliothèques de Seine-Saint-Denis.
"Ces situations vont tellement loin que nous avons été obligés de réagir", lance la responsable d’une médiathèque, en banlieue lyonnaise, à l’origine d’un appel à la solidarité anticensure culturelle. "Depuis le changement de municipalité [du PS aux Républicains, NDLR], je suis confrontée à des consignes politiques qui me sont faites, comme de ne pas valoriser des thématiques telles que l’homosexualité et le racisme. Cela a conduit à la suppression de plusieurs projets interculturels".
Cette responsable est à l’origine d’une lettre ouverte qui sera prochainement envoyée au maire de sa commune. La coordination syndicale CGT du Rhône coordonne quant à elle une soirée de mobilisation pour un service public démocratique, intitulée "Même pas peur", samedi 21 novembre à Vénissieux. Pierre Georges