L’année littéraire se termine avec un petit séisme dans le monde de l’édition : la directrice de Julliard, Vanessa Springora, accuse dans son premier roman,
Le consentement (Grasset, 2 janvier 2020), l’écrivain Gabriel Matzneff, prix Renaudot de l’essai 2013,
de l’avoir manipulé dans sa jeunesse pour obtenir des faveurs sexuelles. Ce dernier a justifié à plusieurs reprises son goût pour les mineurs dans ses ouvrages, dont l’un raconte son histoire avec l’éditrice, alors âgée de 13 ans.
La prise de parole de Vanessa Springora tranche avec l’ambiance feutrée de l’édition française, jusqu’à présent plutôt épargnée par le mouvement #metoo. Elle reflète cependant la transition opérée par le monde du livre en 2019, qui a dû faire sa mue pour se conformer aux temps et aux opinions du lectorat, de plus en plus progressiste. Avec plus de soixante semaines de présence dans le top des meilleures ventes,
Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet (Zones),
a donné le ton cette année.
2019 s’est donc ouverte sur
une tentative de rattrapage, celle de l’Académie suédoise, qui décerne le prix Nobel de littérature. Pris dans un scandale sexuel qui l’a empêché de remettre la récompense en 2018,
l’institution a pris des engagements sur le processus de sélection et l’égalité homme-femmes parmi les membres du comité Nobel. Sans toutefois éviter la polémique lors de
l’attribution du prix Nobel de littérature 2019 à Peter Handke, un écrivain pro-Serbe.
En février, l’Académie Française a admis sa défaite et a finalement
entrepris la féminisation des noms de métiers, demandée de longue date par les militants féministes.
Les éditeurs suivent le mouvement
Le secteur de l’édition s’est lui aussi
mis au diapason féministe cette année, en relayant plus franchement la parole des femmes,
y compris auprès des petites filles. Résultat :
la rentrée littéraire d’automne 2019 et
celle d’hiver à venir placent les femmes au premier plan, qu’elles soient auteures ou personnages, porte-voix de la révolution en cours. En témoigne le plébiscite pour
Les choses humaines de Karine Tuil (Gallimard), qui analyse les ressorts intimes et médiatiques d’un viol, récompensé du
prix Goncourt des lycéens et du
prix Interallié.
En septembre, le grenelle contre les violences conjugales a échauffé les esprits. Certaines associations ont accusé le gouvernement d’avoir débloqué trop peu de fonds et de manquer d’ambition dans le combat contre les féminicides. Ce fut l’occasion de rappeler
les nombreux témoignages et essais parus sur la question, qui rappellent chaque année la persistance de ce fléau.
Quelques semaines plus tard, la journaliste Sandra Muller, à l’origine du mot-dièse #balancetonporc et auteure du livre éponyme (Flammarion, 2018),
était condamnée pour diffamation dans le procès qui l’opposait à Eric Brion, qu’elle accusait de l’avoir harcelé. L’auteure a annoncé vouloir faire appel.