Un autre monde. Né en 1981, Zaki Beydoun, qui écrit en arabe, est l'auteur de trois recueils de nouvelles aux titres énigmatiques et tarabiscotés, comme « Deux yeux cillent sans fin et essaient de se réveiller ». Libanais professeur de philosophie à la prestigieuse université du Zhejiang à Hangzhou, il est marié à une Chinoise professeur de français. Trois de ses textes ont été publiés en 2020 dans la NRF, avec un court avant-propos de J. M. G. Le Clézio, chic et élogieux, sur la singularité de cet auteur. Le Prix Nobel tente de définir son monde, aux frontières du surréalisme, du fantastique, des mangas. Et conclut : « Entrer dans l'écriture de Zaki c'est simplement changer d'univers. » Bien vu, sauf qu'ici, rien n'est simple.

La terre se réduit autour d'un nouveau Gulliver qui, sur fond d'apocalypse, finit par lui faire l'amour. Un paranoïaque, qui croit que les autres épient ses pensées, se rend compte que c'est lui l'espion. Un homme se change en grenouille, un autre se prend pour un nouveau Peter Pan... Des souvenirs, des rêves, des hallucinations viennent encore plus brouiller les narrations, souvent à la première personne. C'est complexe, envoûtant, angoissant aussi : Zaki est obsédé par le corps dans sa dimension physiologique, ses organes, ainsi que par le sexe, la masturbation. Un psy se régalerait... D'ailleurs, il y en a un, dans « L'éveil », acteur du cauchemar du narrateur. Zaki Beydoun est sans conteste un jeune écrivain unique, à suivre.