Mutation poétique. C'est par la poésie que Warsan Shire pousse un cri existentiel. Comment se faire entendre quand on est sans cesse étouffée en raison de ses origines, son statut d'exilée, son sexe ou son histoire familiale ? Aujourd'hui, la benjamine de la Royal Society of Literature, qui a participé à un album de Beyoncé, est respectée des élites comme du grand public. Mais ses eaux dormantes ne sont pas de tout repos, comme le révèle son premier recueil de poésie bilingue. Joliment présenté, il reflète sa plume puissante, tantôt chantante, tantôt violente. « C'est moi, Warsan / Rêveuse inadaptée / névrotique, dissociée » aux racines bigarrées - cette Kenyane, dont les parents sont Somaliens, est arrivée dans son pays d'adoption, la Grande-Bretagne, à un an. Mais « être baptisée Tiffany / Kimberly, une enfant qui rêve / dans la langue de la banlieue blanche » semble nettement plus simple. Éternellement perçue comme réfugiée, elle se sent tiraillée entre deux cultures. D'autant que dans la première, la religion s'avère omniprésente. Être une femme n'arrange rien. « Une fille naît / dans chaque famille / prélude à la souffrance. » Elle et ses consœurs découvrent vite qu'« à notre vue les garçons chuchotent "Sorcières" ». Cette violence se poursuit parfois dans l'intimité. « Ma mère dit que toutes les femmes ont en elles des pièces fermées à clé. / Quelquefois, les hommes - ils viennent avec des clefs / et quelquefois, les hommes ils viennent avec des marteaux. » Warsan Shire dispose, quant à elle, de ses mots forts pour s'affirmer et évoluer dans ce monde de chaos et d'inégalités.