Série de l'été

Voyage en littérature [5/5] : Eugène Ionesco et les 60 ans de "Rhinocéros"

Eugène Ionesco - Photo Gorupdebesanez - CC-BY SA 3.0

Voyage en littérature [5/5] : Eugène Ionesco et les 60 ans de "Rhinocéros"

Chaque dimanche Livres Hebdo célèbre l'anniversaire d'une œuvre littéraire majeure dans l'histoire de la littérature française. Cette semaine, Rhinocéros d’Eugène Ionesco, dont on célèbre le 110e anniversaire de sa naissance et les 25 ans de sa mort.

Par Nicolas Turcev,
Créé le 18.08.2019 à 16h00

La peur du totalitarisme à corne
 
En 1959, Eugène Ionesco est déjà considéré comme l’un des plus intéressants dramaturges de l’absurde. Deux ans plus tôt, il capte l’attention des critiques avec sa première pièce, La cantatrice chauve. Mais la publication de Rhinocéros, chez Gallimard, pièce dans laquelle il dénonce les dangers de la pensée unique et des totalitarismes, signe sa consécration.
 
Classique du bac de français, cette œuvre dans laquelle les habitants d’un village se transforment tour à tour en rhinocéros tente de solder le passif douloureux de la seconde-guerre mondiale. Ionesco utilise la métaphore du monstre et de la meute comme un écho aux logiques qui ont présidé à l’embrigadement d’une partie de l’Europe et qui, plus largement, précèdent toujours à l’attrition de la pensée libre et plurielle.
 
Editions
 
Depuis sa parution originale en 1959 chez Gallimard, Rhinocéros a suivi un parcours de réédition studieux chez les éditeurs scolaires comme Bordas (1985) Hachette Education (1995), Hatier (2003) et enfin Magnard (2018). Étudiée depuis des décennies par les lycéens, la pièce reste encore aujourd’hui l’un des textes incontournables du bac littéraire de français. Il existe également une version audio de la nouvelle qui inspira la pièce, lue par Eugène Ionesco lui-même et éditée par Le livre qui parle (2008).
 
Egalement disséquée par les universitaires, l’œuvre de Ionesco a récemment fait l’objet de plusieurs études, dont deux publiées chez Honoré Champion : Le nouveau théâtre : 1946-2017 (2019), un recueil de textes de recherche sur ce courant dont Ionesco fut l’une des figures de proue, ainsi que Eugène Ionesco en ses réécritures : le travail de la répétition d’Audrey Lemesle (2018). Ce dernier ouvrage se consacre à l'importance de la réécriture dans l'œuvre de Ionesco et montre comment, par ce procédé, l'auteur se nourrit de ses obsessions et dépasse ses contradictions.
 
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Adaptations
 
Publié à l’automne 1959, Rhinocéros est jouée pour la première fois dans une traduction allemande au Schauspielhaus de Düsseldorf, le 6 novembre de la même année. La première représentation française a lieu à l’Odéon-Théâtre de France à Paris, le 22 janvier 1960, dans une mise en scène du sociétaire de la Comédie-Française Jean-Louis Barrault. Elle est ensuite présentée à Londres au Royal Court Theatre avec une mise en scène du cinéaste américain Orson Welles, alors en voyage en Europe.
 
Il faut attendre 1974 pour voir une adaptation sur grand écran, signée Tom O’Horgan. Cette co-production britannico-américaine déplace l’action de la pièce de la France vers les Etats-Unis de Nixon, avec les acteurs Zero Mostel et Gene Wilder dans les rôles de Stanley et John, ersatz cinématographique de Bérenger et Jean. Le film est plutôt froidement reçu par la critique, qui trouve que l’intention originale de Ionesco est diluée dans un trop plein de pitreries moralisatrices. La pièce a aussi lourdement inspiré le film d’horreur de série B Zombie Strippers (2008), où l’épidémie de rhinocérite est remplacée par la propagation des morts-vivants.
 
Sur les traces d’Eugène Ionesco
 
Incontournable lieu d’héritage de la mémoire du dramaturge, le Théâtre de la Huchette a vu éclore le talent d’Eugène Ionesco avec les premières représentations à succès de La leçon et La cantatrice chauve. Plus de 60 ans plus tard, l'établissement détient le record mondial du spectacle joué sans interruption dans un même lieu  avec plus de 19000 représentations. Il accueille encore aujourd’hui ses pièces. Le "spectacle Ionesco" est programmé du mardi au samedi à partir de 19h.
 
L’écrivain est inhumé au cimetière du Montparnasse. Sur sa dalle, il a comme épitaphe "Prier le Je Ne Sais Qui / J’espère Jésus Christ", signe de sa relation conflictuelle avec la religion et la spiritualité, ainsi que de son angoisse de la mort.

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