18 janvier > Premier roman France > Violaine Huisman

Elle adore plonger dans la baignoire avec ses filles. Les ludiques éclaboussures tournent à la bataille d’eau. La salle de bains se transforme en piscine, qui bientôt déborde dans le couloir. C’était comme ça avec "maman" : dans le jeu, l’amour, le drame, la vie, toujours l’excès, les curseurs à fond. Violaine Huisman, dans son premier roman Fugitive parce que reine, raconte sa mère Catherine Cremnitz. La narratrice et fille cadette de Catherine ébauche dès les premières pages les traits d’une femme sublime, pleine de vie et de noirceur. A la chute du mur de Berlin, la jeune Violaine a 19 ans, sa mère est internée. Rien d’étonnant, la jeune fille se souvient qu’avec maman on bravait la mort pour mieux ressentir la vie ; il y avait eu cet accident de voiture parce qu’elle roulait à contresens ou faisait des queues de poisson aux camions. L’Opel avait fini à la casse, la mère et les fillettes en étaient sorties indemnes.

La famille est extravagante. Un père riche et dispendieux, intellectuel et entrepreneur, hypocondriaque. Papa est très séducteur aussi, les parents sont séparés. Mais maman est là, qui veille au grain, ces deux brins de filles, jalousement, maternellement comme jamais sa propre mère ne l’a aimée. Et bizarrement, puisqu’elle a "toutes sortes de troubles du comportement" : maniaco-dépressive, kleptomane, boulimique, alcoolique, accro aux anxiolytiques.

Dans une seconde partie, la narratrice s’efface : c’est maman avant maman. Le récit de vie se redéroule à partir de 1947 : la grand-mère Jacqueline, sa traumatique union avec Serge Cremnitz, vite dissoute, mais dont le fruit est une fille non désirée, souffreteuse, avec un tendon d’Achille atrophié. Catherine passe son enfance à Necker, à l’hôpital des enfants malades, oubliée d’une mère qui veut ouvrir une école de danse. Malgré son handicap, elle devient ballerine classique et donnera des cours de danse à Marseille où elle s’est installée avec Paul, son premier amour et mari. Catherine est heureuse, croit-elle, mais elle rencontre Antoine, le fondateur de l’Ecole d’attachés de presse à Paris où Catherine avait inscrit son doux époux falot. Antoine, c’est tout le contraire, plus âgé, flambeur, libertin, il a déjà des grands enfants, deux ex-femmes, une petite dernière. Il est aussi avec Claude, une amante bisexuelle. Catherine plaque tout pour lui, pour un drôle de ménage à trois, pour l’existence de luxe que lui offre Antoine, le futur père de ses filles. Le livre se clôt avec la fin de cette femme hors norme, belle et fragile, dont la claudication due à "sa jambe folle" et ce manque d’amour au départ engendrèrent une irrémissible "bancalitude" existentielle. S. J. R.

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