5 février > Essai France

Jackie Pigeaud s’est beaucoup intéressé à la mélancolie et à la relation de l’âme et du corps. Il nous propose ici une promenade dans la tradition de la pensée médicale autour d’un thème original : l’hermaphrodisme. C’est en effet sur cette question que le naturaliste, le médecin et le philosophe se rencontrent. Avec elle se pose le problème de l’anormalité, voire de la monstruosité, ce que l’on ne comprend pas et qui échappe à nos critères.

En s’appuyant sur un vaste corpus qui s’échelonne de l’Antiquité jusqu’à Freud qui considérait que l’anatomie ne pouvait saisir la masculinité ou la féminité d’un être, l’auteur de L’art et le vivant (Gallimard, 1995) explore à sa manière la question du genre. A l’en croire, l’androgyne ou l’hermaphrodite ne seraient pas l’un et l’autre, mais Ni l’un ni l’autre, une sorte de 3e sexe ou plutôt de non-sexe. "Toutes les parties de l’homme se trouvent aussi chez la femme", estimait Galien au IIe siècle.

Avec Jackie Pigeaud, l’histoire de la pensée médicale devient tout à coup moins austère. L’art aussi s’ouvre à la surprise de l’inconnu. Puisqu’il est, à l’époque classique, censé copier la nature, comment va-t-il faire avec ces personnages sans genre ? La réponse se vérifie au travers de quelques chefs-d’œuvre : il va les sublimer. La forme du vivant s’incarne donc d’abord dans sa beauté, dans la contemplation d’une jeunesse permanente. En montrant les échanges fructueux entre l’anatomiste et l’artiste, le professeur émérite à l’université de Nantes nous ouvre ainsi les portes de l’érudition et de la marginalité dans cet essai aussi bref que profond. L. L.

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