Vénus Khoury-Ghata, «Ce qui reste des hommes» (Actes Sud) : Un mariage et quatre enterrements

Vénus Khoury-Gatha - Photo © Bruno Nuttens Actes Sud

Vénus Khoury-Ghata, «Ce qui reste des hommes» (Actes Sud) : Un mariage et quatre enterrements

Vénus Khoury-Ghata au sommet de son art, pour un roman doucement libertin.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 30.01.2021 à 14h00

Diane, à qui s'adresse à la deuxième personne Vénus Khoury-Ghata, est une poétesse et romancière d'un âge certain, qu'elle s'ingénie à dissimuler à tout Paris depuis des lustres. Elle a eu une vie sentimentale bien remplie, voire agitée, avec un mari, Paul, décédé, mais aussi nombre d'amants, dont certains importants : un membre de l'Institut prétentieux, un sinologue mégalo qui s'était mis en tête de refaire la Longue Marche du Président Mao, un écrivain péruvien, indien inca mais marié, trois artistes de Sarajevo en exil, Yorgo le peintre, Vlada le sculpteur et Cyril le dessinateur de BD, avec qui elle a vécu dans une espèce de communauté durant la guerre en ex-Yougoslavie - l'un ou l'autre fut-il de ses amoureux ? Et il y a même aujourd'hui le jeune et beau Raphaël, 18 ans, un vague petit-cousin rencontré lors de l'enterrement d'une vieille parente qu'elle détestait et qui ne l'a pas couchée sur son testament. Comme il habite à Birmingham, que les trains sont en grève, il squatte chez Diane, ravie de cet amour inespéré. On se croirait dans la chanson de Dalida. Et ici aussi, ça ne peut que mal se terminer, par une rupture. Il lui laissera en cadeau Mao, le chat.

Esseulée, la vieille Diane indigne n'a pour amie et confidente qu'Hélène, dont le mari avocat, Philippe, a été égorgé il y a vingt ans, dans leur demeure du Midi, par des tueurs aux ordres de la mafia corse. Elle est passionnée de spiritisme, et, redescendant pour la première fois dans le Sud depuis le drame, se lie avec Luca et surtout Angelo, des squatteurs inquiétants qu'elle appelle ses « anges gardiens », jusqu'à ce que les gens du village les ostracisent et leur envoient la police. Hélène raconte ses aventures à son amie dans des lettres cocasses, qui sont comme un roman dans le roman.

Au soir de sa vie, Diane décide d'acheter une concession au cimetière du Montparnasse. Mais elle est à deux places : elle se met en tête de partager cette dernière demeure avec quelqu'un qui l'a aimée. Paul étant enterré de son côté, elle cherche qui, parmi tous ses ex, accepterait cette offre quelque peu inhabituelle. Le prétentieux académicien est mort ; le sinologue, qu'elle finit par retrouver et revoir, l'envoie promener ; le romancier inca a péri dans l'accident de l'avion qui le ramenait dans son pays après leur rupture ; les ex-Yougoslaves sont rentrés chez eux et n'ont plus donné de nouvelles. Quant à Raphaël, à son âge il a d'autres choses en tête et, de toute façon, tel un petit tigre jaloux, il l'a plaquée !

On ne sait comment Diane résoudra son problème de sous-location macabre. Mais cela nous aura valu un court roman libertin, d'un humour noir débridé, où une Vénus Khoury-Ghata au mieux de son talent joue avec les codes de la fiction, s'invente une héroïne drôle et triste à la fois, attachante et égocentrique, séduisante et pathétique, mais par-dessus tout écrivain, jamais aussi inspirée que par ses déboires sentimentaux. Toute ressemblance...

Vénus Khoury-Ghata
Ce qui reste des hommes
Actes Sud
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 13,8 € ; 128 p.
ISBN: 9782330144623

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