La situation ne s'arrange pas vraiment. L'été semble au contraire avoir prolongé la tendance du premier semestre qui s'était soldée, selon les indicateurs Livres Hebdo/I + C, par un recul des ventes de 2,5 % au premier trimestre et de 1,5 % au second. D'entrée de jeu, l'activité du début de juillet a douché tout espoir de reprise apparu avec le très léger frémissement esquissé en juin (+ 0,5 %). Ce que confirme notre indicateur de ventes, en recul de 1,5 % en juillet et même de 2,5 % correction faite de l'impact calendaire (voir le baromètre p. 55).
Déficit touristique
En plus de la crise, la météo s'en est mêlée et a pénalisé la fréquentation des magasins. Si dans le nord de la France, pluie et fraîcheur étaient propices à la lecture, en Bretagne, le déficit touristique a pesé sur l'activité de l'ensemble des commerces. A Quimper, Ravy accuse une chute de 20 % de fréquentation en juillet et un recul de 25 % de son chiffre d'affaires mensuel. De même, Gwalarn à Lannion et la Librairie du rivage à Royan constatent une baisse de 15 % de leurs ventes en juillet. Nombre de vacanciers n'ont en effet pas hésité à modifier leurs projets pour prendre la direction du sud et retrouver le beau temps.
Dans les régions méridionales, l'afflux touristique n'a pas forcément profité aux libraires. Il y faisait cette fois trop chaud pour que les gens fassent du shopping et viennent en librairie ! C'est en tout cas ainsi qu'Olivier Rouard, à la tête de Charlemagne, explique la baisse des ventes dans ses librairies en juillet : - 15 % à Hyères et Fréjus, et - 7 % à Toulon.
Un tableau global qui, bien sûr, comprend des exceptions. A Paris, Galignani a connu "un bon été". A Rennes, Le Failler affiche une hausse de 8 % en juillet. Et dans le sud, la Librairie lorguaise (Lorgues) et Le Parefeuille (Uzès) ont enregistré une hausse significative de leur chiffre d'affaires : un effet positif de la crise, estiment les intéressés, qui a conduit nombre de Français à prendre leurs vacances dans l'Hexagone et non à l'étranger.
Selon notre indicateur Livres Hebdo/I + C, ce sont surtout les hypermarchés et les GSC qui ont souffert avec, en juillet, des chutes respectives de 7 % et 6 %. Chez Carrefour, le responsable livres, Alain Popieul, annonce cependant une stabilité des ventes sur l'ensemble des deux mois d'été, grâce à "un très bon mois d'août". D'ailleurs, de l'avis général des professionnels, la seconde partie de l'été a été bien meilleure que la première, avec une stabilité voire une légère progression par rapport à août 2011. L'année dernière en effet, l'été, globalement mitigé, faisait apparaître à l'inverse de cette année une activité meilleure en juillet (+ 1 %) qu'en août (0 %).
Beaucoup de libraires constatent avec satisfaction que leurs meilleures ventes portent sur leurs prescriptions. «Ce qui se vend en priorité chez nous, ce sont les livres que nous conseillons", affirme Nathalie Iris (Les Mots en marge à la Garenne-Colombes). Ainsi compte-t-elle parmi ses meilleures ventes des titres comme Le palais de verre de Simon Mawer et Ce qu'il advint du sauvage blanc de François Garde... De même, aux Petits Papiers à Auch, Marielle Dy annonce parmi son top de l'été L'attente du soir de Tatiana Arfel, qui n'est pas une nouveauté. A la Fnac, la directrice du livre, Elodie Perthuisot, confirme le phénomène en évoquant les bonnes performances de ses opérations estivales : "Un été très livre", qui regroupe une sélection d'une trentaine d'ouvrages faite par ses libraires, et "3 pour 2", qui a été menée en partenariat avec les éditeurs de poche. Si ce petit format, adapté à la fois à la mobilité des vacanciers et à la crise, a aussi particulièrement bien fonctionné cet été chez Carrefour, il n'a pas eu le vent en poupe partout. Chez Gwalarn, ce rayon a même baissé de 25 % en juillet et, à L'Armitière à Rouen, il a été en retrait par rapport à celui de la littérature en grand format.
L'importance des sélections
Conscients de l'importance commerciale de leurs sélections, les libraires en font de plus en plus un argument de négociation avec leurs fournisseurs. Matthieu de Montchalin (L'Armitière à Rouen et président du Syndicat de la librairie française) précise : "Nos choix, dont ceux que nous avons valorisés cet été, sont aujourd'hui davantage travaillés en amont, ce qui nous permet de mieux négocier nos conditions commerciales mais aussi de mieux structurer notre offre afin de limiter les ruptures, les retours et par suite les coûts induits. La situation économique nous amène à modifier nos processus d'achat et à développer nos partenariats avec les éditeurs." Un levier compris et actionné par les libraires alors que les difficultés persistantes du marché font monter la pression dans la profession. Ainsi, pour la rentrée littéraire, les adhérents au groupement Libraires ensemble misent sur un nouveau catalogue, Les 100 qui comptent, qui valorise une sélection de romans parmi les 646 nouveautés. Dans un contexte difficile, tout le monde veut croire plus encore que les autres années en la rentrée littéraire, la jugeant particulièrement "réjouissante" après un premier semestre "tristounet" du fait de nombreux reports de parution durant la période électorale.