Il aura fallu trois ans à Pascale Barboteau, frustrée de voir les rayons français se réduire comme peau de chagrin dans les librairies allemandes, pour ouvrir la Pause Française, la première librairie francophone à Francfort depuis une vingtaine d'années. « Ma frustration était-elle partagée par les 12 000 Français habitants du länder de Hesse ? », se demande encore timidement cette ancienne professeure de français ,qui a suivi son mari sur les bords du Main en 2017.
Besoin d’une clientèle allemande
Après un temps de réflexion, une formation d’un mois prodiguée par l’École de la Librairie (ex-INFL) et l’aménagement d’une ancienne cordonnerie dans le nord-est de la ville, la boutique a ouvert ses portes en avril avec 800 titres. « Nous avons bien démarré grâce à la communication interne de l’association d’expatriés Francfort Accueil et à deux articles dans le journal local », raconte la bretonne d’origine. Ses premiers clients sont autant des Français que des Allemands francophiles. Mais, très vite, l’effet retombe. Pascale Barboteau découvre les affres du libraire et tente de s’adapter. « Je découvre chaque mois les “habitudes“ des clients qui évoluent. J’ai vite développé un rayon de livres sur la France ou français traduits en allemand car j’ai besoin des clients allemands », confie-t-elle.
Pascale Barboteau compte sur des "clients engagés" pour la sauvegarde des librairies- Photo © ED
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Un chiffre d’affaires qui coûte cher
Autre dure réalité qui l’a rattrapée, celle des frais de port à l’étranger. « C’est un aspect qui n’est pas abordé dans la formation axée sur les libraires en France », regrette la jeune libraire. Concrètement, elle vient de recevoir une commande de 24 volumes, la plupart à moins de 12€, pour 38€ de frais de port. Un chiffre d’affaires potentiel qui coûte très cher, surtout « quand on est à deux heures de route de Strasbourg ». « Avec les 17,5% des 12€ facturés en plus au client, je ne vais pas rentrer dans mes frais », désespère la libraire. Au-delà du prix, il y a également le délai d’attente, qui va de 10 jours à 3 semaines, puisqu’elle ne fait pas partie de « l’office » des distributeurs qui lui permettrait d’avoir des exemplaires en amont de la sortie des livres. « J’aurais du mal à avoir le prochain Riad Sattouf avant Noël, car il sort très tard dans la saison », se désole-t-elle. A six mois d’activité, après des mois plus difficiles que d'autres, elle admet un retard de 60% de son chiffre d'affaires par rapport à son budget prévisionnel pour la première année.
Tenir jusqu’en avril
Pour y faire face, la libraire compte sur le lycée français et ses soixante élèves de première, et sur le collège européen de Francfort. « La rentrée littéraire a été timide, malgré un léger effet Annie Ernaux après sa proclamation comme Nobel », poursuit-elle en indiquant que « les succès en France ne sont pas forcément des best-sellers en Allemagne ». « Il faut que je découvre ma clientèle », concède-t-elle en espérant « tenir jusqu’en avril prochain » pour obtenir ensuite des subventions du Centre National du Livres. « Si je rentre dans mes frais, l’aventure sera déjà belle », conclut-elle.
"Les succès en France ne sont pas forcément les best-sellers en Allemagne", remarque la libraire- Photo © ED
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