Handicapé par les vacances scolaires parisiennes et bordelaises, et partout ailleurs par des ponts devenus des viaducs, le mois de mai n’inversera pas la tendance maussade du début de l’année. Pourtant, à y regarder de plus près, nos indicateurs I+C/Livres Hebdo font état d’une très légère progression du chiffre d’affaires de la librairie au premier trimestre 2013 (+ 1 %) par rapport à la même période en 2012. Est-ce l’hirondelle qui, contrairement à l’adage, fera le printemps ?
C’est en tout cas un frémissement bienvenu, même si l’état de leur trésorerie inquiète sérieusement les libraires. Plus de la moitié d’entre eux estiment qu’elle s’est détériorée en un an, un score qu’on n’avait pas rencontré depuis de nombreuses années. La production des deux derniers mois du semestre, avant les vacances, viendra-t-elle à leur secours en ramenant les lecteurs vers les librairies ? Beaucoup d’ouvrages, dans les domaines les plus variés, sont programmés encore jusqu’au 20 juin, ce qui est rare. Pourtant, l’été reste la période la plus propice à la lecture. Depuis la mi-avril, nous présentons dans notre rubrique « Avant-critiques » une sélection de cette production extrêmement diversifiée, riche en polars et en romans étrangers. Avec dans ce numéro le nouveau roman de Sofi Oksanen, Quand les colombes disparurent, ou le petit livre, précieux, Retour à Yvetot, dans lequel Annie Ernaux évoque son enfance. De quoi consolider ce timide printemps.
Mais déjà la rentrée littéraire s’avance, avec, comme toujours, son lot de dangereuses compromissions entre la littérature et le marketing. A peine annoncée comme « le » scandale de la saison 2013, « l’affaire Mérot », autour du sulfureux Toute la noirceur du monde, déprogrammé successivement par Gallimard, Grasset et Stock avant de trouver asile chez Flammarion, est déjà détrônée par l’« affaire Obertone ». Si le premier s’annonce comme une plongée dans l’esprit d’un enseignant anonyme progressivement gagné par les thèses de l’extrême droite, le second, rédigé par l’auteur de La France Orange mécanique, porté aux nues par Marine Le Pen, ambitionne de décrypter de l’intérieur la personnalité du tueur d’Utøya, Anders Breivik. De quoi faire fuir les hirondelles.