L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, arrêté mi-novembre en Algérie, a été entendu par le parquet antiterroriste d'Alger et a été placé sous mandat de dépôt, a annoncé mardi son avocat François Zimeray dans un communiqué envoyé à l'AFP. Il a depuis été hospitalisé à l’hôpital Mustapha-Pacha d’Alger, rapporte Le Monde.
Boualem Sansal, « qui s’était rendu à Alger en confiance, est aujourd’hui placé en détention en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien qui réprime l’ensemble des atteintes à la sûreté de l’État », a écrit Me Zimeray.
Réclusion criminelle à perpétuité encourue
Il risque la réclusion criminelle à perpétuité, voire la peine de mort – même si aucune exécution capitale n’a eu lieu en Algérie depuis 1993. « La privation de liberté d’un écrivain de 80 ans (Boualem Sansal a en réalité 75 ans, ndlr) à raison de ses écrits est un acte grave », a observé son avocat.
L’écrivain a été placé sous mandat de dépôt par le procureur spécialisé dans les dossiers de sûreté de l’État du tribunal de Dar-El-Beïda, dans la banlieue sud-est d’Alger.
Il lui est notamment reproché par le pouvoir algérien des propos tenus dans le média français d’extrême droite Frontières, dont il est par ailleurs membre du comité d’experts. Il y a déclaré, entre autres : « Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara (…). Quand la France colonise l’Algérie, elle s’installe comme protectorat au Maroc et décide comme ça, arbitrairement, de rattacher tout l’est du Maroc à l’Algérie, en traçant une frontière. »
Disproportion manifeste
« Quelles que soient les blessures invoquées et les sensibilités heurtées, elles sont indissociables de l’idée même de liberté, chèrement conquise en Algérie ; il y a là une disproportion manifeste dont les auteurs n’ont vraisemblablement pas mesuré la portée », l’a défendu son avocat François Zimeray. Avant de compléter : « S’il doit y avoir enquête, celle-ci ne justifie nullement que soit prolongée la détention de Boualem Sansal ».
Boualem Sansal, qui a critiqué les dirigeants algériens à de nombreuses reprises, a été arrêté mi-novembre alors qu'il arrivait dans son pays natal depuis la France.
L'agence gouvernementale algérienne APS confirmait vendredi, sans préciser à quelle date ni pour quels motifs, « l'arrestation » à l'aéroport d'Alger de l'auteur de 2084: la fin du monde (Gallimard). Selon plusieurs médias, elle a eu lieu le 16 novembre.
Les services de l'État mobilisés
La ministre déléguée chargée des Français de l'étranger Sophie Primas, interrogée mardi à l'Assemblée nationale sur la possibilité de sanctionner des dirigeants algériens dans cette affaire, a demandé de la « discrétion ».
« À ce stade, je ne peux vous en dire davantage. Car oui, la diplomatie a besoin de discrétion pour agir, et non pas pour se taire », a-t-elle affirmé.
« Les services de l'État sont pleinement mobilisés pour suivre la situation de notre compatriote et lui permettre de bénéficier de la protection consulaire prévue par le droit », avait encore souligné la ministre.
Boualem Sansal bénéficie également du soutien de nombreux écrivains, dont plusieurs prix Nobel de littérature, qui ont appelé à sa libération.