Au début, il y a une fille. Elle hésite. Etre ou ne pas être. Aimer ou se laisser aimer. Se tenir sur la ligne de crête entre laisser faire et laisser aller. Elle s'appelle Marie-Laure, se fait appeler Victoria et répond parfois aussi au prénom d'Agathe. Elle est un peu échouée sur les rivages sournois de la trentaine qui vient. Pour être gentil, on pourrait dire que c'est une rêveuse. Autour d'elle, Marc-Ange, un sociologue en panne d'inspiration, qui fut son professeur avant d'être son compagnon. Marc-Ange rêve aussi, de Pierre Bourdieu : "M. Pierre Bourdieu est un sociologue très célèbre qui a inventé la misère du monde qui ne lui avait rien demandé et qui est mort d'autre chose. Marc-Ange en rêve très souvent depuis quelques années. Le problème de la reconnaissance des pairs et de tuer le sien, relèveront du tac au tac les esprits informés." Il y a aussi le fils du sociologue, dit "le Petit", un enfant surdoué de 10 ans volontiers ratiocineur, un appartement parisien donnant sur un immense trou destiné à accueillir bientôt une nouvelle station de métro, et une enquête confiée à Victoria sur la pratique du vélo en ville.
Ce petit monde du dérèglement ordinaire, c'est le nôtre, c'est celui du premier roman de Maria Pourchet, Avancer. Et si l'on veut bien considérer que le rire puisse être une courtoisie faite au lecteur pour rendre acceptable la tristesse, alors Avancer - qui est ce que l'on a lu de plus drôle depuis les premiers livres d'Eric Laurrent - est un grand roman triste. Maria Pourchet, qui s'était fait (un peu) connaître pour ses travaux universitaires sur la représentation du livre à la télévision, nous fait découvrir qu'il y a toujours plus fascinant que la société du spectacle, le spectacle de la société et celui de l'échec de ses enfants.