3 janvier > Roman France

Ce qu’il y a d’épatant, chez Jean Grégor, c’est qu’avec le même talent, la même efficacité narrative, il parvient à nous surprendre à chaque roman. Tout en cultivant un certain nombre de thèmes qui lui sont chers, et notamment la très complexe mécanique des relations humaines. Le tout traité avec pudeur, et une totale empathie pour ses personnages.

Femme nue devant sa glace (titre emprunté à un tableau de Toulouse-Lautrec) commence un peu comme un polar. Une jeune prostituée est retrouvée presque morte sur les boulevards des Maréchaux. Un bijou indique son prénom : Nathalie. Transportée à l’hôpital, elle va demeurer un certain temps dans le coma, et l’anonymat, sans personne qui vienne la visiter. Sauf Gérard Robence, un vieux flic, exemplaire et respectueux des autres, peut-être parce qu’il a vécu un drame dont on ne guérit jamais : sa fille, Angie, est morte d’une overdose. Sa femme et lui se reprochent de n’avoir rien vu, de ne pas êtres intervenus au bon moment.

Sans être chargé officiellement du dossier, Robence va mener sa propre enquête. Il découvre le nom de famille de Nathalie, Caron, reconstitue son parcours depuis Abbeville jusqu’à Paris : serveuse chez McDo, puis prostituée par chagrin d’amour et pour payer ses études d’histoire de l’art. Il découvre aussi son caractère, sauvage, exigeant, sa propension à s’éclipser, à disparaître sans plus faire signe. Il rencontre aussi un certain Ted Marchal, dessinateur de BD qu’elle a connu dans un bistrot. Il la dessine, lui parle, la revoit. En dépit des vingt ans qui les séparent, du « métier » de la jeune fille, de son physique peu avantageux, une espèce d’amour émerge. Mais Marchal est vite devenu jaloux, possessif : serait-il coupable des violences subies par Nathalie ?

On laisse à Robence le soin de boucler son enquête, de nous révéler le fin mot de cet antipolar dont la morale est que l’on ne doit jamais juger les autres selon leur apparence, l’image qu’ils projettent d’eux-mêmes. Dès les premières lignes, le lecteur est captivé et ne lâchera plus le roman avant d’en connaître le dénouement, savourant de bien belles scènes, comme celle où le vieil adjudant se rend à l’hôpital pour parler à Nathalie, afin d’accélérer sa sortie du coma et qu’à son réveil, elle puisse démarrer une vie nouvelle. J.-C. P.

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