Une femme est admise dans un hôpital sur un brancard. Elle a visiblement été victime d'un accident. Sa vie ne tient qu'à un fil, mais tant que le bip bip du moniteur résonne, son cœur fonctionne. Admise aux soins intensifs, elle est plongée dans le coma. « Elle est dans un état délicat », ce qui inquiète ses amis. L'espoir est permis, mais l'attente leur semble longue, si longue. Les semaines se suivent, or « le médecin en bleu » ne dit rien. Il faut juste patienter, croire en cette force vitale qui lui est insufflée. Les amis sont bien obligés d'être happés par le monde du dehors. La vie continue, malgré tout, mais impossible de ne pas y songer à chaque instant. Ils viennent donner leur sang et leur temps à Magdalena, qui se bat telle une Belle au bois dormant. Cette tisseuse de tapis a les doigts atteints, mais plein d'autres mains s'affairent pour la sauver. « Comment va réagir le corps ? Est-ce qu'il redevient ce qu'il était avant, avant de tomber, avant de rompre, avant de mourir... Est-ce qu'il réagit, est-ce qu'il riposte ? » Le ventre a été perforé, un organe important a été touché, le sang a coulé, mais la blessée résiste.
Un ballet de médecins, d'infirmières et de proches est à son chevet. Certains parlent, d'autres privilégient les gestes silencieux. Ils forment une cacophonie de pensées autour de la patiente. N'ayant pas de prénoms, les amis, les taties ou le personnel soignant se confond dans la confusion. Telle une poupée semi-articulée, Magdalena répond avec ce corps qu'on tente de réparer. Petit à petit, il fait des efforts pour fonctionner, mais le mouvement le plus infime demande une force démesurée. Elle est comme une enfant qui doit tout réapprendre. S'asseoir, manger, parler, tout nécessite un suivi précis. Elle se sent évidemment « désorientée. C'est normal, ne t'en fais pas, ce sont les médicaments et le temps déconnecté et l'hémorragie et l'anémie et l'hypothermie et l'enfermement. » Pas simple de revenir parmi les vivants, « sans savoir ce qui est arrivé avant et ce qui est arrivé ensuite. » Personne ne se prononce, il est trop tôt pour dire comment Magdalena va évoluer. Il y a comme un air de Maylis de Kerangal dans ce premier roman de Juliana Leite. La jeune Brésilienne y prend aussi le pouls de son pays blessé. Les cicatrices ont bien des choses à nous raconter.
Entre les mains - Traduit du portugais (Brésil) par Anne-Claire Ronsin
Éd. de l’Aube
Tirage: 1 400 ex.
Prix: 22 euros ; 296 p.
ISBN: 9782815935678