15 avril > Roman Etats-Unis

En ce temps-là, il n’y avait pas plus de people que de jet-set. Tout au plus une "Café Society" qui prenait ses aises quelque part entre le Paris de Proust et celui d’Hemingway. Et c’est dans ce Paris qu’arrive en septembre 1935 une jeune femme américaine, Bettina Ballard. Cette rédactrice new-yorkaise de Vogue est chargée dans ses nouveaux bureaux des Champs-Elysées de "nourrir" le bureau de style de l’édition française, sous la direction de Michel de Brunhoff (frère de Jean, le créateur du personnage Babar et son premier éditeur).

Très vite, l’Américaine futée et extrêmement douée, notamment pour repérer et révéler le talent des autres, va se faire sa place, l’une des premières, dans ce Paris de la mode. Ce Paris qui est déjà celui de Chanel et de Schiaparelli, deviendra celui de Dior, de Jacques Fath, de Balenciaga qui sera, au même titre que "Bébé" Bérard, l’un de ses plus proches amis. Entre-temps, une guerre était passée par là, lors de laquelle, dans les rangs de la Croix-Rouge, Bettina Ballard tint son rang. Dans la préface qu’il consacre à la première édition française de ses Mémoires, In my fashion, initialement parus à Londres en 1960 et considérés comme l’un des documents essentiels sur l’histoire de la mode au siècle dernier, Frédéric Mitterrand dit bien l’émotion qui sourd de ses écrits d’après-guerre où l’éditrice de mode retrouve un Paris comme transi de chagrin et de honte. Celui du Retour à Babylone de Fitzgerald, celui de la Recherche aussi. Car s’il y a une gravité dans la légèreté, c’est dans ces pages qui, en matière de luxe, s’offrent surtout celui d’être traversées de fantômes.

Olivier Mony

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