6 septembre > BD France

Une palette de bruns qui restitue une atmosphère un peu surannée. Un trait faussement naïf maîtrisé à merveille par Eric Sagot. Un personnage principal, également narrateur, ambivalent, imaginé par Fabien Vehlmann. Paco les mains rouges, un récit qui se déploiera sur deux albums, dégage une forme de poésie mélancolique. Ce récit âpre conçu, près d’un demi-siècle après le fameux Papillon, comme un témoignage à la première personne sur le bagne de Cayenne, retrace pourtant des destins tragiques, il y a une centaine d’années dans l’enfer guyanais. Déportés souvent à vie pour des crimes de sang, les pensionnaires de ce « goulag de la République » utilisé par la France pour peupler et exploiter un territoire peu hospitalier, n’y tiennent généralement guère plus de cinq ans. Les surveillants eux-mêmes paraissent y être pris au piège.

S’ajoutant aux conditions climatiques et matérielles difficiles, violence et corruption règnent en maîtres. Mais en collant au personnage de Paco, un jeune instituteur qui paraît trop tendre pour faire un bagnard crédible, et qui néanmoins s’impose vite comme tel, y gagnant un sanglant surnom et son indépendance, les deux auteurs restituent leur humanité aux différents protagonistes. Après une arrivée mouvementée à Saint-Laurent-du-Maroni, qui lui permet toutefois de s’assurer le respect et un semblant de tranquillité, le « héros » survit plutôt bien que mal en Guyane. Il y est tour à tour homme à tout faire dans la famille d’un surveillant et précepteur de sa fille, et infirmier, tout en se livrant parallèlement à divers trafics.

Autour de lui gravitent un solide tatoueur plus sensible qu’il en a l’air, un médecin bienveillant, une fillette affectueuse et surtout une belle collection de brutes et de paumés entre lesquels s’établissent des liens sauvages et complexes. Fabien Vehlmann et Eric Sagot décortiquent cette micro-société qui, sous une forme exacerbée, se révèle incidemment pas si éloignée de la nôtre.

Fabrice Piault

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