C’est une histoire d’amitié dont les conséquences sont aussi imprévisibles que romanesques. Nicolas, le narrateur, et Yann sont des compagnons d’enfance. Et puis le premier est tombé amoureux de la petite sœur du second, Julie. Les deux, orphelins, ont été élevés par leurs oncle et tante. Puis Julie a disparu, partie faire sa vie en Angleterre. Yann, lui, un type assez bizarre ("pervers", diront certains), a décidé de prendre la tangente. Cap sur l’Asie, Japon, Chine…
Au moment même où Nicolas, qui ne s’est jamais consolé de n’avoir pas de nouvelles de la jeune fille depuis six ans, sans s’y être pourtant résolu, a l’opportunité de partir bosser à Londres. Il n’hésite pas, non sans arrière-pensées.
Il se plonge d’abord dans le tourbillon d’une ville hyperactive, qui "fait dans l’intraveineuse". Avec ses collègues, Maria, l’Espagnole lesbienne qui repartira bientôt chez elle, et Oliver, l’Autrichien gay qui n’est pas insensible à son charme (en vain), il fait la fête, picole, se défonce, danse jusqu’à point d’heure. Le lendemain, sa logeuse, la précieuse Susan Pimbleton, le dorlote et le remet d’aplomb. Elle va vite devenir sa confidente, sa nounou, presque une seconde mère. Ancienne prof de français, elle anime un club de lecture où quelques vieilles ladies exquises s’essaient à déguster la prose de Flaubert, et à la traduire dans la langue de Shakespeare. Une gageure que Nicolas les aide à relever.
D’où quelques scènes hilarantes, et une jolie trouvaille stylistique de Pierre Chazal. Plutôt que de faire parler tout son petit monde en français, convention romanesque tacite, il a décidé de conserver les dialogues entre ses personnages en VO, bien plus savoureuse. Mais que le lecteur frenchie se rassure, tout est scrupuleusement traduit en notes.
Alors que Nicolas semble heureux dans sa vie londonienne, qu’il a même loué un studio dans un quartier interlope, sa destinée bascule : par hasard, il reçoit des nouvelles de Julie et se lance dans une véritable enquête pour la localiser. Devenue peintre, elle vit avec Richard, son galeriste, habite à Edimbourg, en Ecosse. Ils sont sur le point de se marier, quand le Français débarque. Les retrouvailles sont glaciales. Mais il sent bien que quelque chose cloche et que Julie n’a pas fini de le surprendre. On n’en dira pas plus puisque la deuxième partie de ce Julie’s way se veut à suspense.
L’ensemble est très réussi, et ce troisième roman de Pierre Chazal confirme son talent, son originalité, son humour… british. La partie londonienne est un petit bijou d’ironie, de nonsense, de dialogues farfelus. Après, la tonalité change : love story. J.-C. P.