16 NOVEMBRE - HISTOIRE France

L'histoire contemporaine a beaucoup fait pour installer l'idée du désastre dans les têtes. Il faut dire que les hommes n'ont pas lésiné sur les massacres au XXe siècle et qu'ils continuent allègrement au XXIe, en Syrie ou ailleurs.

Henri Rousso- Photo JACQUES SASSIER/GALLIMARD

Historien, spécialiste de la collaboration et de la Seconde Guerre mondiale, auteur de nombreux ouvrages de référence comme Le syndrome de Vichy (Seuil, 1987), Henri Rousso a dirigé l'Institut d'histoire du temps présent (CNRS) de 1994 à 2005. Dans ce centre de recherche fondé en 1978, il s'est interrogé sur sa discipline et sur son rôle dans la société. Faire du contemporain, c'est prendre des risques ! D'autant plus que des témoins vivent encore, et qu'ils peuvent vous dire que vous n'y étiez pas, que les choses sont différentes, que le ressenti n'est pas le même. Depuis trente ans, Rousso s'est heurté à ces problèmes. Il les expose dans ce livre longuement mûri.

Depuis 1789, notre conception du temps et donc de faire de l'histoire a changé. Les catastrophes du XXe siècle, à commencer par la Shoah, ont invité le passé dans le présent. Henri Rousso montre bien cette évolution après 1945 et sa traduction dans l'édition avec, par exemple, la création de la collection "L'histoire immédiate" au Seuil en 1963.

Aujourd'hui, dans les librairies, le contemporain est surreprésenté avec son lot de guerres, de massacres et de génocides. Pourquoi le phénomène guerrier marque-t-il de façon si nette le tempo historique ? C'est l'une des grandes questions posées ici. Henri Rousso avance une explication de cette vision traumatique du passé et de son obsessionnelle présence. Au-delà du sentiment de la perte, il y aurait aussi la volonté paradoxale d'en finir. "Elle ressortit aussi, peut-être même plus, à la nécessité impérieuse de se libérer du poids des morts, des dizaines de millions de morts, des destructions sans précédent occasionnées par la folie humaine et non par une quelconque fatalité."

L'histoire du temps présent est une histoire de l'inachevé, une histoire qui se coltine à la mémoire. Mémoire, c'est le mot essentiel qui traverse cet ouvrage sur l'histoire en train de se faire, au plus proche de nos vies, avec son lot de témoins, de victimes, de repentances et... d'oublis. "L'histoire qui sert, c'est une histoire serve", écrivait Marc Bloch. Mais comment l'histoire pourrait-elle ne pas servir, ne serait-ce qu'à la recherche de la vérité ?

La dernière catastrophe est une fascinante réflexion sur la notion d'histoire du temps présent, certes. Mais cet essai très dense, auquel l'auteur réfléchit depuis des années, explore bien d'autres sujets : la place de l'histoire et de l'historien comme expert dans nos sociétés, les notions de mémoire et d'oubli, les rapports avec le politique et le sens que chacun donne à ce passé qu'on ne peut se contenter de voir passer.

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