La présidentielle de 2017 aura été dans l'histoire de la Ve République, voire de France, ce qu'on peut appeler un « moment », comme la prise du pouvoir par Bonaparte ou le retour du général de Gaulle aux affaires. Ainsi donc dans un contexte de dégagisme virulent et à la faveur de circonstances politiques inouïes, un jeune homme de 39 ans, sans parti, jamais élu, ancien banquier, ex-ministre, accède à la magistrature suprême.
Roland Gori, à l'initiative de L'appel des appels (Mille et une nuits, 2009)
« pour un réveil des consciences », n'est pas vraiment un thuriféraire du président et demeure sceptique vis-à-vis de la libération des énergies prônée par le fondateur du mouvement En Marche !. Dans son nouvel essai La nudité du pouvoir : de quoi le moment Macron est-il le symptôme ?, le psychanalyste, tout en reconnaissant le charisme du chef de l'Etat et son intelligence mercurielle, fait l'anatomie de la mentalité du « prince » et de l'époque dont il est le héraut : « Sommes-nous aujourd'hui en présence d'un personnage politique sur lequel viendraient se cristalliser les tendances bonapartistes de l'autorité charismatique et les valeurs de l'Homo œconomicus autoentrepreneur de lui-même de la culture néolibérale ? »
Au creux de la couronne, rappelle-t-il en reprenant l'image shakespearienne « la Mort tient sa cour » (Richard II), tout royal qu'on soit, on n'en est pas moins mortel ; les oripeaux de cette royauté qui couvrent « la nudité du pouvoir » sont tissés par l'illusion collective. La croyance entretient la flamme du sacré : le corps mystique du roi (par opposition à son corps biologique périssable). Une fois la « transcendance » évacuée (par le transfert des compétences de l'Etat vers le secteur privé) pour toujours plus d'efficacité, il ne faudrait pas que le nouveau locataire de l'Elysée confonde sa personne et sa fonction.
Aussi le fameux « en même temps » ne serait-il pas tant une volonté de conciliation progressiste qu'un sentiment d'hyperpuissance ne voyant aucune limite. En ce sens, le macronisme reflète bien le « narcissisme avancé » des sociétés postmodernes à l'heure du capitalisme financiarisé. Quoi de mieux pour le profit que de réduire le citoyen à l'unique rôle de consommateur dont on attise sans cesse les désirs ? Plus qu'une diatribe ad hominem, l'essai est au final une critique de la déshumanisation du travail et des rapports sociaux par la robotisation : du taylorisme 2.0 mettant en péril la notion même de démocratie.
La nudité du pouvoir : comprendre le moment Macron
Les Liens qui libèrent
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 14,50 euros ; 203 p.
ISBN: 979-10-209-0618-2