Il est bon de voir réapparaître Rosa Liksom. Une écrivaine finlandaise, née en 1958 en Laponie, dont les premiers livres traduits à La Découverte au début des années 1990 - Noirs paradis, Le creux de l’oubli et Bamalama - révélaient une nouvelliste à la prose acérée, à l’univers d’une rare noirceur mais cependant non dénué d’humour.
Compartiment n° 6, qui marque son entrée dans la collection « Du monde entier » de Gallimard, est cette fois un roman. Un hiver, à Moscou, une jeune femme monte dans le dernier wagon, en queue de train. Elle veut quitter la mégalopole et sa famille, prendre de la distance avec sa propre vie. Le train doit l’emmener « à travers les villages peuplés de proscrits et les villes ouvertes ou fermées de Sibérie jusqu’à la capitale de la Mongolie, Oulan-Bator ».
L’héroïne de Rosa Liksom devait partir avec Mitka. Garçon binoclard aux longs cils, aux orteils parfaits et au sourire tourné vers l’intérieur. Sauf que celui-ci est allé à l’hôpital psychiatrique pour éviter de faire son service militaire et d’être envoyé combattre en Afghanistan. A la place, le destin lui fait rencontrer un gaillard vigoureux, aux oreilles en feuille de chou, vêtu d’une veste matelassée noire et d’une chapka blanche.
Il s’appelle Vadim Nikolaïevitch Ivanov, se présente comme « l’homme d’acier, fils de l’homme de feu ». Comme « métallo et manœuvre du bâtiment dans la Moscou des Tsars ». D’emblée, Vadim partage ses victuailles et entame la conversation avec la jeune femme. Explique qu’il a beaucoup fréquenté les prostituées, cogne souvent la mère de son fils quand il rentre soûl à la maison, que son cœur ne bat plus que par habitude…
C’est une autre sorte de violence que met en scène Rosa Liksom dans Compartiment n° 6. L’écrivaine joue parfaitement avec la tension, le huis clos, la confrontation de deux êtres si différents dans un espace réduit. Le lecteur, lui, se félicite d’être d’un voyage qui va lui réserver bien des surprises.
Al. F.