3 janvier > Roman France > Hubert Haddad

Né dans le ghetto de Lódz, où il a appris la musique auprès des klezmorim, Hochéa Meintzel est devenu à son tour violoniste. Seul rescapé de sa famille, il a pu fuir vers Paris, puis a fait son alya en Israël. Il vivait à Jérusalem, en compagnie de sa fille adoptive palestinienne, Samra, tuée dans un attentat contre un bus. Patriote mais pacifiste, le vieil homme, aveugle, accepte alors une série de concerts dans l’Inde du Sud, Tamil Nadu et Kerala, pour fuir la violence, la guerre. Dès son arrivée à Chennai (ex-Madras), il sait que, comme nombre de jeunes Israéliens, refuzniks de Jaffa ou de Tel-Aviv, il ne reviendra pas. D’autant qu’un lien, à la fois fort et pudique, se crée avec sa guide et interprète, Mutuswami, une jeune jaïn. Quelque chose qui dépasse vite le cadre professionnel et ressemble à de l’amour.

Ce n’est pas le premier contact de Hochéa avec le monde indien. Autrefois, il avait eu pour élève Nandi-Nandi, un dalit kéralais qui, fasciné par l’histoire des juifs de l’Inde et amoureux (en vain) de Samra, avait envisagé de se convertir au judaïsme. Il lui avait raconté l’histoire de Cranganore, le royaume mythique concédé aux "Hébreux" intégrés dans la société hindoue, sur la côte de Malabar, non loin de Kochi (Cochin). La seule fois où ces juifs "bleus", installés en Inde depuis le VIe siècle, ont été persécutés, ce fut, au nom de l’Inquisition, par les Portugais !

A Kochi, comme dans d’autres villes (Pune, Mumbai…), demeure une minuscule communauté, juifs "bleus" et "noirs" (autochtones convertis, comme les Falashas d’Ethiopie) confondus, même pas suffisante pour dire le kaddish. Heureusement, au terme d’un long périple, d’une découverte de la musique indienne qui vient bousculer son oreille "occidentale", Hochéa rejoindra ses frères, malgré lui, à cause du tsunami de Noël 2004 qui a frappé certains points des côtes sud de l’Inde. Et dont Hubert Haddad exagère d’ailleurs les statistiques.

Peu importe. Licence accordée, pour ce roman mystique, poétique et grave, inspiré par un voyage en Inde que l’écrivain a effectué en 2005, et qu’il a mis dix ans à "digérer". Le résultat est superbe. Décidément, après le Japon, l’Asie réussit à Hubert Haddad. J.-C. P.

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