Le 2 novembre, la 15ᵉ édition de la Conférence des éditeurs à Sharjah a ouvert ses portes avec une trentaine de rencontres thématiques, prélude à deux journées d’échanges intenses entre professionnels du livre. Deux tables rondes avaient pour sujet l'accès aux marchés britannique et américain par les éditeurs étrangers. Compte-rendu.
Le marché britannique : entre défis et opportunités
Rachel Stevens, directrice du pôle littérature du British Council et Sean Campbell de la maison indépendante Époque press ont animé la table ronde dédiée au marché britannique en dressant un état des lieux contrasté.
Le marché est dominé par les grands groupes, mais les éditeurs indépendants y jouent un rôle clé, notamment dans la littérature en traduction et la découverte de nouveaux talents. Rachel Stevens a souligné que la présélection de l’International Booker Prize de 2025 ne comptait que des éditeurs indépendants.
Les défis sont persistants avec des coûts de production qui ont doublé. Les conséquences du Brexit et les tarifs internationaux pèsent lourdement sur les petites structures.
Même si les chiffres de vente pour la littérature en traduction sont difficiles à obtenir, Rachel Stevens a cité une étude de la Fondation Booker en 2023 qui a révélé un intérêt croissant pour les traductions, surtout chez les lecteurs plus jeunes.
Sean Campbell, qui a fondé Époque press en 2018, de son côté a décrit « Une scène indé florissante » inventive et résiliente, toujours ouverte aux livres audacieux. Il a recommandé aux éditeurs étrangers de « pitcher » plutôt le réseau d’éditeurs indépendant Indie Press Network, qui œuvre à créer des liens solides, que ce soit avec des traducteurs ou des éditeurs à l’étranger. Il a aussi recommandé le site du Queen Mary Small Press Fiction Prize pour donner un aperçu des maisons d’édition indépendantes qui ont gagné des prix récemment.
Bien que le gouvernement britannique n’offre pas d’aide directe, des financements pour les traductions existent en Écosse, au Pays de Galles, ou via des organisations comme English PEN.
Sean Campbell a conclu son propos par un exemple concret : Époque Press a récemment noué un partenariat avec la maison égyptienne Al Arabi pour échanger des titres, une initiative qu'il a encouragé les éditeurs présents dans le public à reproduire.
Le marché américain : visibilité et défis linguistiques
Comme pour la Grande-Bretagne, on manque de données fiables sur les États-Unis, où les chiffres sur les traductions restent approximatifs. Ceux-ci représentent environ 3 % de la fiction publiée, a expliqué Juan Milà, de la maison d’édition spécialisée en littérature internationale, HarperVia. Si la structure appartient à HarperCollins, elle fonctionne « plutôt » comme une maison d’édition indépendante, a assuré Juan Milà. L’éditeur espagnol vient de la maison indépendante Ediciones Salamandra (depuis rachetée par Random House Grupo Editorial) et a été recruté en 2018 pour créer HarperVia.
Aux États-Unis peu d’équipes éditoriales lisent des langues étrangères, même s'il y a des exceptions. Chez HarperVia, les équipes de Juan Milà sont ainsi capables de travailler dans dix langues, ce qui permet une sélection plus personnalisée des manuscrits. HarperVia a par exemple publié Un animal sauvage de Joël Dicker le mois dernier et prépare prochainement la sortie du dernier roman de la Géorgienne Nino Haratischwili (traduit de l’allemand).
De manière plus large, les perspectives s'améliorent néanmoins outre-Atlantique. « Ce qui est clair, c’est qu’au cours des dix dernières années, les livres traduits sont devenus plus visibles, notamment grâce aux prix littéraires tels que l’International Booker ou les National Book Awards », a conclu Juan Milà.

