Dans Les chérubins électriques, le premier et, hélas, unique roman (Robert Laffont, 1983) qu’ait jamais publié Guillaume Serp, il écrit : « J’aurais tant aimé que ma vie ne fût qu’une longue dernière cigarette de condamné à mort. » De ce point de vue-là, Guillaume Israël alias Guillaume Serp a réussi sa vie. Ou plutôt sa mort, ce qui, en ce temps-là (quelque part entre le punk et le sida) et sous ces latitudes (Paris, la nuit), revenait un peu au même… Et c’est ainsi que le 30 décembre 1987, trop de mélanges et pas assez de sommeil (air connu) privaient les lecteurs français d’un jeune homme moderne qui, s’il avait été américain (ce qui n’était pas la moindre de ses ambitions) et plus économe de ses addictions, aurait pu s’appeler Bret Easton Ellis…
Les chérubins électriques est la confession d’un enfant fin de siècle. Un dénommé Philippe, qui se fait aussi appeler Rodney ou Phoebus et qui en temps de giscardisme finissant, se partage entre deux filles, Clarisse et Ancilla, deux overdoses, trois amis, quatre rues de Paris, son groupe de musique, « Philippe et les chics types », et quelques nuits blanches. On ne sait pas bien ce qu’il cherche, une paire de gifles ou le plus grand chagrin possible. Odieux et irrésistible, Philippe est un gamin qui manque de savoir-vivre. Il ne sait que mourir et fait cela très bien.
Même si avoir eu 20 ans à l’heure d’Elli et Jacno, de Kraftwerk et de Taxi Girl (et avoir su ne plus les avoir…) peut aider à en apprécier toute la grâce presque naïve, il faut féliciter L’Editeur singulier d’exhumer ainsi ces Chérubins (augmenté d’une jolie préface mélancolique d’Alexandre Fillon). « Nous étions beaux, intelligents, tragiquement drôles, talentueux et modernes », écrit Serp, qui ne doute de rien faute de croire en quelque chose. Et le pire, c’est qu’il a raison. O. M.