Depuis Histoire des passions françaises (Recherches, 1978, "Petite bibliothèque Payot", 2003), Theodore Zeldin aborde le passé en s’affranchissant de la chronologie. L’ancien professeur à Oxford, à qui on décerna à l’époque d’"Apostrophes" le titre de "plus francophile des universitaires britanniques", continue d’avancer selon sa méthode de juxtaposition des hommes et des idées.
Dans l’esprit des Françaises et l’histoire intime de l’humanité (Fayard, 1994), l’octogénaire nous entretient des Plaisirs cachés de la vie. Autrement dit des moyens d’en profiter. Il le fait à sa façon, dans des chapitres aux titres espiègles ("Que peuvent dire les pauvres aux riches ?", "Comment acquérir le sens de l’humour ?" ou "Que faire dans un hôtel ?") tirés d’expériences concrètes. Ces essais ne sont reliés entre eux que par l’érudition de Zeldin qui convoque dans ses démonstrations des penseurs du Japon médiéval, des philosophes de la Renaissance, mais aussi Lucian Freud, Kafka, Niemeyer ou Einstein dont il rappelle cette phrase : "Si un bureau encombré est le signe d’un esprit encombré, de quoi un bureau vide est-il le signe ?"
Zeldin aussi préfère le trop-plein. Pour être heureux, le "qui suis-je ?" est moins important que le "qui es-tu ?", et le "d’où viens-tu ?" que le "où vas-tu ?". C’est chez l’autre qu’on se trouve. Il laisse entendre que le bonheur n’est pas dans l’après, mais dans le vivre-ensemble. Il propose même que les bibliothèques ne se contentent plus de prêter des livres mais invitent les lecteurs à en écrire… L. L.