Chroniqueur inspiré, tantôt acide, tantôt mélancolique, des convulsions sociales de l'Espagne post-franquiste depuis les années 1980 avec des œuvres emblématiques comme Chienne de vie (Les Humanoïdes associés, 1988), Trait de craie (Casterman, 1992), Quotidien délirant (Casterman 1996), Chroniques absurdes, Dupuis 2004-2005, réédition 2016) ou Ardalén - un chef d'œuvre ! - (Casterman, 2013), Miguelanxo Prado ne dédaigne pas les pas-de-côtés. Avec Le triskel volé, il surprend en proposant une enquête à la Da Vinci Code, entre intrigue policière et substrat fantastique, voire métaphysique. Mais avec l'esprit de Dan Brown, les défis de l'époque imprègnent aussi l'album.

Artur Rego, un jeune étudiant-chercheur, découvre en haut d'une bibliothèque de son département d'archéologie les notes d'un de ses prédécesseurs aujourd'hui retraité. En dépit de la condescendance de ses pairs, le professeur Ancares Diaz a passé sa vie à étudier un mystérieux et très ancien ordre magique peu à peu divisé en deux castes : les Démons et les Purs destinés à s'affronter pour l'éternité. Il en a observé des traces, et même retrouvé une sorte de talisman, un triskel qu'il s'est malheureusement fait voler avant d'avoir fini de l'étudier.

Au même moment, les propres neveux d'Artur Rego sont confrontés, dans la forêt mitoyenne de leur maison, à l'apparition de runes (caractères de l'ancien alphabet gotico-nordique) sur des arbres autour desquelles se mettent à pulluler les lucanes cerf-volant (un coléoptère) et de curieuses lueurs. Comme réveillés par une forme de dérèglement social et environnemental, les Purs et les Démons réapparaissent, et autour d'eux une théorie d'escrocs, de mandarins corrompus, d'aristocrates réactionnaires et de trafiquants en tous genres.

Avec leurs trognes aux traits anguleux, Prado compose une sorte de thriller moral aux allures de ballet. Dans le mouvement des bons et des méchants, dans leurs échanges, dans leurs rencontres se jouent, en toile de fond, les grands équilibres de la planète et l'avenir de l'humanité.