4 JANVIER - ROMAN France

Frédéric Vitoux- Photo DR/FAYARD

Il s'en passe de belles sur l'île Saint-Louis, lieu réputé immuable ! Une sorte de "point fixe" toujours "à l'écart", bien que l'on puisse y épier les baigneurs de Paris Plage. Figurez-vous qu'on peut désormais s'y faire égorger à six heures du matin en face de l'église. Depuis le meurtre d'un inconnu, les rumeurs vont bon train dans le quartier. Charles Ballanches, le héros de Frédéric Vitoux, est lui aussi inquiet. Ce "vieux veuf" de 70 ans peut se contenter d'une gougère pour seul déjeuner. Heureusement que Dorothy, la fiancée anglaise et virevoltante de son neveu, lui apporte parfois une tarte tatin de chez Berthillon.

Ancien avocat qui possède dans sa bibliothèque l'édition originale d'Ulysse de Joyce et un exemplaire avec envoi de Mort à crédit, Charles reçoit la visite de Jean Lefaur. Un éditeur pas très net qui a eu du succès avec un Nostradamus aujourd'hui avant de mettre la clé sous la porte. Le curieux personnage prétend être mandaté par Vera Michalski, la patronne du groupe Libella, une "femme secrète ou timide peut-être, obstinée", pour retraduire un roman de George Meredith. Dans les parages, outre ce menteur pathologique de Lefaur, le lecteur croise aussi Robert Treizeur, le garagiste du boulevard Henri-IV, qui fut jadis le gardien de but vedette de l'équipe junior du Red Star au tournant des années 1950 et 1960, ou son jeune employé polonais, Toma...

A intervalles réguliers, Frédéric Vitoux (dont Grand Hôtel Nelson vient de reparaître au Livre de poche) revient inlassablement dans l'île Saint-Louis qu'il connaît comme personne pour y avoir toujours habité, cette île peuplée de fantômes. Le voici qui pastiche habilement le roman policier et y adjoint le touchant portrait d'un homme qui se sent vieillir et évoluer dans un monde qu'il comprend de moins en moins. Un monde où les films de Robert Bresson et la mort de Porthos dans Le vicomte de Bragelonne semblent, hélas, n'avoir plus guère d'importance.

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