Récit/Autriche 26 septembre Josef Winkler

Leopardi, à la vue du genêt sur les terres volcaniques du Vésuve, fait l'éloge de cette « fleur du désert » qui n'espère rien du ciel et sait qu'elle sera un jour consumée par le feu souterrain. Tout n'est que cendres. Genet, se promenant dans la lande de Tiffauges, pays du compagnon de Jeanne d'Arc violeur d'enfants, observe la fleur dont il porte le nom et s'émeut : « Je suis seul au monde, et je ne suis pas sûr de n'être pas le roi - peut-être la fée des fleurs. [...] Elles savent que je suis leur représentant vivant, mobile, agile, vainqueur du vent. Elles sont mon emblème naturel, mais j'ai des racines, par elles, dans ce sol de France nourri des os en poudre des enfants, des adolescents enfilés, massacrés, brûlés par Gilles de Rais. »

Entre l'auteur de Journal du voleur et le poète italien, peu de rapport, si ce n'est un goût des mots et un dégoût du monde. Chez Leopardi, le pessimisme trouve une voie dans une manière de sagesse cosmique héritée des Anciens. Pour Genet, la noirceur n'est rachetée par rien hors la noirceur même. L'humanité porte la marque de Caïn, l'homme tue son frère, c'est ainsi. Genet ne distingue pas entre la victime et le bourreau. Mais est toujours du côté de l'opprimé, de l'humilié, des piétinés et autres « bagnards de [s]a race » : les Palestiniens, les Black Panthers, Marie-Antoinette... cette violence inhérente à la vie, il l'assume et la chante, lui, l'orphelin, le repris de justice, le colon de cette colonie agricole pénitentiaire où il fut envoyé à l'âge de 16 ans.

Josef Winkler est l'un des plus grands auteurs autrichiens vivants, auquel on doit des textes âpres et lyriques : Le serf, Cimetière des oranges amères, Natura morta, Requiem pour un père (tous parus chez Verdier). Fascination pour la mort, religiosité catholique teintée d'homo-érotisme, esthétique de la déviance et du blasphème, il partage beaucoup avec Genet. Parti sur les traces de son héros littéraire, Winkler imagine un tombeau pour l'écrivain français, Le livret du pupille Jean Genet. De sa jeunesse, du temps où le sans-famille parisien, élevé par des paysans du Morvan, est appelé « Jeannot » à sa « canonisation » par Sartre, de la colonie de Mettray pour jeunes délinquants, cet enfer de brutalités et de supplices... aux rues de Tanger, à sa mort dans un hôtel, Winkler mêle aux luttes matérielles et intérieures du romancier du Miracle de la rose ses souvenirs de sa natale Carinthie. Enlacés de citations de Genet, ses mots racontent son propre désarroi, ses duels entre désir homosexuel et chape de plomb familiale, le noir soleil de l'écriture.

Josef Winkler
Le livret du pupille Jean Genet - Traduit de l'allemand (Autriche) par Bernard Banoun
Verdier
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 16.50 euros ; 128 p.
ISBN: 9782378560331

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