6 septembre > Premier roman Autriche > Katharina Winkler

Filiz aurait dû respirer la félicité, mais sa destinée en décide autrement. Dans son village natal turc, la famille est sacrée. La sienne se compose de dix enfants. "Nous sommes un troupeau. Le foin est notre lit." Mais les loups rôdent, à commencer par celui qui règne sur la "bergerie", le père. Cet homme violent terrifie les siens. "Quand mon père entre dans la maison, le silence entre avec lui." La vie est rythmée par les saisons, les traditions, l’école et l’évolution des corps.

L’héroïne n’a que 11 ans lorsqu’elle rencontre Yunus. Il décide d’emblée : "Je lui appartiens. J’ai un homme. Il est le désir. Il est pure volonté." L’amour donne des ailes à Filiz, qui va vite déchanter. Ses noces la transpercent de détresse. "Yunus me bat. Il doit le faire pour chasser l’enfant hors de mes os. Ses coups doivent m’enfoncer l’épouse dans la cervelle." La jeune fille a tellement son mari dans la peau qu’elle accepte son sort sans ciller. Tant la précarité que l’omniprésence de sa belle-mère, "l’araignée", accentuent la tension.

"Tout est plein de vie, sauf moi. L’enfant à naître prend possession de mon être." Tels sont les sentiments de Filiz, qui tente juste de survivre. Une brèche s’ouvre quand Yunus les entraîne en Autriche. Le décor change, mais pas le corps de Filiz, qui continue à se parer de "bijoux bleus", traces d’une agressivité inépuisable à son égard. Malgré cette prison intime, cette femme courage se bat pour ne pas perdre son âme et sa gaieté. Dans ce premier roman retentissant, la Viennoise Katharina Winkler dénonce la réalité souvent occultée des sociétés patriarcales, de la migration et de la violence conjugale.

Kerenn Elkaïm

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