Avant-critique Bande dessinée

La sirène sonne l'alarme. Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. L'impossible est arrivé, le pire des cauchemars pour tout un peuple : le cadavre d'une sirène vient d'être repêché dans le port ! Dès lors, tout déraille et le pays s'arrête de vivre : plus de transports, plus de restaurants, plus de fanfare royale, le marasme total ! Ça n'arrange pas du tout Nana Miller, Française tout juste débarquée à Copenhague sur un coup de tête, pour souffler. D'abord amusée face à ce pays des contes de fées défait, elle déchante rapidement et culpabilise d'avoir laissé son adolescente de fille seule à la maison. Coincée au Danemark, elle rencontre le francophile et sémillant Thyge, propriétaire d'un caniche rose, d'un triporteur et d'un sens de l'humour à toute épreuve. Ensemble, ils vont enquêter pour démêler cette sombre affaire et redonner le goût de vivre aux descendants d'Andersen.

Le couple Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg a décidément plus d'un tour dans sa valise de globe-trotter. Après la truculente quête d'un secret de famille dans Sousbrouillard (Dargaud, 2021), les variations autour du mythe de la sorcière dans Le don de Rachel (Casterman, 2021) ou Serena (Sarbacane, 2018), les prolifiques auteurs brodent une étonnante fiction du confinement, avec une bonne dose de fantaisie. Ils imaginent un pays sens dessus dessous, sans repère, non pas en raison d'une rupture dans la chaîne de production capitaliste, ni à cause de la montée d'un extrémisme quelconque, mais par le vacillement d'un mythe fondateur et rassembleur : la petite sirène. À partir de ce fait divers surnaturel on ne peut plus sérieux, ils pointent une société occidentale - bien au-delà du seul Danemark - qui a perdu le sens de son destin commun et des valeurs qui le fondent. Mais ils le font sans amertume ni procès d'intention : Copenhague est bien une comédie totale, dopée à l'absurde, saupoudrée d'une romance naissante, tranchante sur les relations adultes-enfants, haletante quand l'aventure se fait polar. Sous le pinceau virevoltant de Terkel Risbjerg, on assiste à une enquête pétillante, à l'anglaise, à la belge ou à l'italienne selon les pages, où les langages se percutent, où les références culturelles s'interpénètrent avec bonheur. Et le résultat est une bulle de plaisir très européenne qui fait du bien en des temps troublés.

Terkel Risbjerg, Anne-Caroline Pandolfo
Copenhague
Dargaud
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 29,99 € ; 296 p.
ISBN: 9782505122159

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