Avant-portrait > Valentin Spitz

Cela fait bizarre d’être assis là." Valentin Spitz nous reçoit dans son cabinet. Rencontrer un psy pour un portrait, ça donne l’impression de lui jouer le tour de l’arroseur arrosé. Effectivement, il est installé sur le canapé où parlent d’habitude ses patients, qu’il écoute de derrière son bureau ou bien sur une chaise où s’est posé aujourd’hui l’intervieweur. "On est chez Juliette, la vraie, ma grand-mère, c’était la chambre à coucher de son appartement parisien", raconte-t-il.

Malaise existentiel

Juliette de Saint-Tropez, son deuxième roman, inspiré de la vie de l’aïeule, est l’histoire d’une femme libre, hors normes, collectionnant amants et Ferrari. On y retrouve un Lucas, croisé dans sa première fiction Et pour toujours ce sera l’été (Lattès, 2016). "Inspiré" vraiment? Ou carrément autobiographique? Valentin Spitz s’autorise une cigarette - "pas lorsque je reçois, évidemment". En revanche, son petit chien, Google, assiste aux séances - et dément, en enfonçant le clou: "Tous les narrateurs de mes futurs livres s’appelleront Lucas." La vérité est plurielle, et tous les personnages, fussent-ils de papier, affichent une persona, "masque" en latin, ou plusieurs.

Valentin Spitz a eu un autre avatar professionnel: journaliste. Le jeune trentenaire a une carrière fulgurante qui débute à 16 ans, avec un premier stage à RTL, chez Christophe Hondelatte, qui lui proposera plus tard de rejoindre son équipe du "Journal inattendu". Agé alors de 22 ans, le boulimique d’action accepte sans passer par la case école de journalisme. Il enquille les émissions sur Europe 1, i>Télé, comme reporteur ou chroniqueur… "Mais je n’en pouvais plus", soupire-t-il. Dès qu’il obtient son diplôme de psychanalyse, il donne sa démission à C8.

C’est que sous le dynamisme souriant, il y a la fêlure - un malaise existentiel, au paroxysme à 17 ans, qui le pousse à voir un premier psy, Ted, un Américain, "devenu fou" -, et sa vraie passion, la littérature: de la comtesse de Ségur ou Fantômette à Françoise Sagan (sa première excursion dans les livres pour adultes de la bibliothèque de sa mère), il dévore les livres. Il tient son premier journal intime à 7 ans. Les écrits remplacent peu à peu les dessins, puis les mots les maux. Quelle est donc la faille dans une carrière si rondement menée? Né sans père, il ne le rencontre en vrai qu’à la faveur d’un scandale que son géniteur, homme de radio célèbre, veut éviter. A la décharge dudit géniteur, Christian Spitz, connu sous le nom du "Doc" de Fun Radio, n’avait pas reconnu Valentin parce que, comme le montre bien Juliette de Saint-Tropez, côté maternel, sous l’égide de la grand-mère, on vit dans un système matriarcal où les femmes ne s’embarrassent pas d’époux. Femmes puissantes, hommes absents, défaillants ou disparus. Sans avoir à invoquer les mânes de Sigmund, on sent bien que, chez le jeune romancier, la littérature est cure. Sean J. Rose

Valentin Spitz, Juliette de Saint-Tropez, Stock, Prix: 19,90 euros, 432 p., Sortie: 9 mai, ISBN: 978-2-234-08596-1

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