Grands prix d'automne

[Sur la route du Goncourt 2021] François Noudelmann, "les enfants de Cadillac" : Requiem for Chaïm

François Noudelmann

[Sur la route du Goncourt 2021] François Noudelmann, "les enfants de Cadillac" : Requiem for Chaïm

Dans l'attente de connaître le 3 novembre le nouveau lauréat 2021 du prix Goncourt, Livres Hebdo revient sur les 16 romans de la première sélection.

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Créé le 29.09.2021 à 20h00

Le prix littéraire le plus attendu de la saison, le Goncourt, annoncera son lauréat 2021, le 3 novembre. Livres Hebdo vous propose de revenir sur chacun des 16 romans en lice, révélé dans une première sélection le 7 septembre.

Les enfants de Cadillac, premier roman de François Noudelmann paru chez Gallimard le 19 août, est une autobiographie romancée prenant ses racines dans l'histoire du grand-père de l'auteur, Chaïm. Juif immigré de Lithuanie, où il était persécuté, il s'est engagé dans la Grande guerre, fier d'être un patriote français. Malheureusement, le gaz moutarde fera de lui un "cerveau mutilé". A peine marié, et père, il passera sa vie dans une aile, de Sainte-Anne à celui de Cadillac, paisible ville viticole du Bordelais. C'est dans cette bourgade au bord de la Garonne qu'il finira ses jours au début de la seconde guerre mondiale, loin et abandonné de tous. "Mort pour avoir perdu la raison pour la France" comme l'écrit son petit-fils.

François Noudelmann saute une génération pour évoquer son père, parigot prolo et gauchiste qui perdra une oreille avec les atrocités de la seconde guerre mondiale... L'écrivain décrit ainsi un siècle familial, ponctué de tragédies, habité par le déni, hanté par ce judaïsme oublié quand il n'est pas rejeté. Il tente de comprendre ou de reconstituer les souvenirs et les étapes de l'existence de ses aïeux, absents ou taiseux. Il en sort une double épopée, masculine avant tout, bousculée par les conflits mondiaux et une réflexion sur l'identité. La narration est aussi fragmentée que la mémoire des deux hommes est éclatée. En cherchant ses origines, l'auteur cherche une raison à la folie qui taverse ses ancêtres et son pays.

Camille Laurens dans l'ombre

Nul ne pensait que cet humble roman très intime allait déclencher le scandale de la rentrée. En cause : un récit assez similaire dans ses thèmes comme dans son approche, celui d'Anne Berest (La carte postale, Grasset), qui elle aussi retrace son destin familial russo-judaïque, ses exils, ses tragédies et s'interroge sur l'identité française. Sa version est, à l'inverse, très féminine.
Camille Laurens, compagne de François Noudelmann, qui lui dédie son livre ("À C.L.") a incendié le roman d'Anne Berest, lui aussi sur la première liste du Goncourt, dans les colonnes du Monde, sortant du droit de réserve tacite imposé aux jurés de l'académie. En voulant pointer la médiocrité supposée de l'un, elle cherchait à remettre en lumière la qualité du roman de son compagnon.

Car François Noudelmann ne bénéficie pas du même impact que sa consœur depuis sa publication: une seule invitation sur une grande radio et quelques critiques éparses. Cela se ressent sur les ventes, inférieures à 2000 exemplaires selon Gfk. Il a pourtant été sélectionné pour le Prix André Malraux et dans la première sélection du Femina (mais pas dans la deuxième). Philosophe et directeur de collections, il a écrit plusieurs essais et biographies, notamment Le Toucher des philosophes. Sartre, Nietzsche et Barthes au piano (Gallimard, 2008, Grand prix des muses) ou Édouard Glissant. L'identité généreuse (Flammarion, Grandes biographies, 2018).

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