Stock devra insérer un encart dans chaque exemplaire de "Belle et Bête" avant toute diffusion

D. Strauss-Kahn au TGI ce matin ; Marcela Iacub

Stock devra insérer un encart dans chaque exemplaire de "Belle et Bête" avant toute diffusion

Selon l'ordonnance du TGI de Paris, Marcela Iacub et Stock sont également condamnés à verser solidairement 50 000 euros de dommages et intérêts à DSK.

Par Hervé Hugueny
avec hh, et afp Créé le 15.04.2015 à 20h04

Anne-Marie Sauteraud, juge des référés, a rendu sa décision dans la soirée du mardi 26 février 2012 sur l'affaire qui oppose Dominique Strauss-Kahn à Stock et Marcela Iacub, respectivement éditeur et auteure de Belle et Bête, livre qui relate la liaison entre l'écrivaine et l'ancien président du FMI. Le référé visait également Le Nouvel Obs, qui avait publié les bonnes feuilles du livre et un entretien avec Iacub.

La justice a ordonné l'insertion d'un encart dans chaque exemplaire du livre "avant toute diffusion" de l'ouvrage dont la mise à l'office était initialement prévue mercredi 27 février. L'avocat des éditions Stock, Me Christophe Bigot, avait souligné à l'audience qu'il était "matériellement impossible" d'insérer un encart dans les 40 000 premiers exemplaires déjà mis en place dans les librairies. Le texte de cet encart mentionne que le livre porte atteinte à la vie privée de l'ancien patron du FMI, selon l'ordonnance consultée par l'AFP.

Selon l'ordonnance du Tribunal de grande instance de Paris consultée par l'AFP, le Nouvel Observateur devra publier un communiqué judiciaire couvrant la moitié de sa Une.

75 000 euros de dommages et intérêts

Marcela Iacub et les éditions Stock ont également été condamnés à verser solidairement 50 000 euros de dommages et intérêts à DSK, tandis que l'hebdomadaire devra lui verser 25 000 euros de dommages et intérêts.

La demande d'interdiction de diffusion du livre a en revanche été rejetée.

Les avocats de Dominique Strauss-Kahn demandaient une insertion dans l'ouvrage, dénonçant son objet et les conditions de sa réalisation, et subsidiairement, si cette mesure n'était pas retenue, la saisie du livre (voir notre actualité du 25 février).

"C'est évidemment une excellente décision pour Dominique Strauss-Kahn, et bien au-delà pour les principes, pour le respect de la vie privée, pour certains grands principes qui fondent notre démocratie parce qu'on ne peut pas aller toujours plus loin dans le trash sous prétexte d'appeler ça littérature et journalisme", a déclaré Me Richard Malka, avocat de DSK, à iTélé.

Forte affluence au Tribunal

Exceptionnellement transférée à la 17e chambre du tribunal de grande instance en raison de l'affluence, l'audience du procès en référé pour atteinte à la vie privée intenté par Dominique Strauss-Kahn contre Stock et Le Nouvel observateur, qui avait publié les bonnes feuilles du livre le 21 février, s'était prolongée jusqu'à 13h30, avec les plaidoiries de cinq avocats.

L'audience avait été marquée par la présence de Dominique Srauss-Kahn, qui avait dénoncé à la barre du tribunal puis répété à la sortie, devant une foule de journalistes, un «texte méprisable et totalement mensonger, écrit en faisant fi de la dévastation de ma vie privée». «Je suis horrifié par le procédé pour l'obtenir, malhonnête et mercantile» a ajouté l'ancien directeur du FMI.

«Est-ce que tout est permis pour gagner de l'argent, y compris tirer sur un homme déjà à terre ?» a demandé Dominique Strauss-Kahn, affirmant que cette affaire allait au delà de sa personne, et «met en cause les principes mêmes de la vie en société». «Il faut donner un coup d'arrêt aux dérives des éditeurs et de la presse» a-t-il conclu, souhaitant ensuite qu'on «le laisse en paix».

Machination

Me Jean Veil a dénoncé une «véritable machination», en détaillant un mail de Marcela Iacub à Dominique Strauss-Kahn, envoyé le 26 novembre dernier, dans lequel l'auteure disait s'être laissée entrainer dans un projet auquel elle n'aurait pas dû participer, et qu'elle «regrettait profondément». Le précédent livre de l'essayiste sur l'affaire DSK n'aurait été écrit que pour attirer l'ancien président du FMI dans un piège. Jean Veil a également dénoncé la dissimulation, au sein de la redaction du Nouvel Observateur, du projet de couverture sur le livre et de l'entretien avec l'auteure, afin d'éviter un débat avec la société des rédacteurs sur un sujet n'ayant d'autre but et intérêt que d'augmenter les ventes du magazine.

Me Richard Malka a plaidé pour sa part contre une atteinte massive à la vie privée, sous couvert de littérature, et qui ne contribue en rien à un quelconque débat d'intérêt général. «Ce qui est en jeu est la possibilité de vivre ensemble, de nouer une relation en se demandant si elle ne sera pas jetée en pature sur la place publique», a-t-il exprimé, évoquant la tribune des éditeurs dans Le Monde du 23 février, qui demandaient de mettre un frein à cette dérive.

Me Henri Lerclerc a dirigé sa plaidoirie plus particulièrement contre Le Nouvel Observateur, exprimant tout le dégoût que lui inspirait cette publication digne «d'une presse de caniveau», et invoquant le passé des luttes politiques et de l'engagement de l'hebdomadaire.

Sexe imaginaire

Me Christophe Bigot, avocat de Stock, s'est attaché à faire redescendre le dossier des grands principes de défense d'une société en danger brandis par ses confrères, en affirmant que rien ne justifiait une décision en référé et une mesure d'urgence contre ce livre. Il n'y a pas d'atteinte à la vie privée dans Belle et bête, dans la mesure où les scènes sexuelles qui pourraient en relever sont clairement dites comme «imaginaires» par Marcela Iacub dans son entretien au Nouvel Observateur a-t-il soutenu.

L'avocat a ensuite défendu un intérêt général manifeste, une des notions essentielles retenues par la jurisprudence européenne dans des affaires similaires. «Comment un homme promis à une telle destinée a-t-il pu tutoyer les bas fonds de la violence sexuelle ? C'est un vrai sujet qui n'est pas refermé, et dans ce sujet il y a place à des récits qui s'interrogent sur cette question» a-t-il assuré. Quant au mail adressé à Dominique Strauss-Kahn, Marcela Iacub «ne s'en souvient plus. Mais elle assume totalement la publication de ce livre, et n'a été victime d'aucune manipulation» a-t-elle insisté auprès de Christophe Bigot, dans un entretien téléphonique préalable à l'audience.

40 000 exemplaires pour la mise en place

D'autre part, elle n'était nullement liée par un à-valoir considérable qui l'aurait contrainte à fournir ce livre coûte que coûte : l'auteure «recevra simplement une avance sur recette de 20 000 euros, payable à la publication de l'ouvrage», lequel a été mis en place à 40 000 exemplaires, a expliqué Me Bigot. Une réimpression a été commandée pour le 27 février, pour laquelle il proposait précisément une insertion reprenant les réserves exprimées à propos du livre.

L'avocat du Nouvel Observateur, Me Didier Leick, a estimé enfin qu'une assignation en référé n'avait pas lieu d'être, dans la mesure où la publication était déjà faite. Les 100 000 euros de dommages intérêts demandés et la publication judiciaire sur toute la couverture du prochain numéro du magazine relèvent à ses yeux d'une mesure punitive, et non d'une protection nécessaire contre un trouble manifeste.

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