Chienne de vie. Avant de se retrouver à la rue avec son pitbull Sam, Mathieu habitait avec sa fille dans un appartement à Montréal. Sa copine Karine, rencontrée lorsqu'ils avaient 16 ans, était partie vivre à l'autre bout du pays, le laissant seule avec la petite encore bébé. Alors qu'il raconte son histoire, entremêlant son présent de SDF - la description du froid et des plans d'hébergements qui changent tous les jours - et ses souvenirs d'enfance et d'adolescence - sa mère envahissante et possessive, son père démissionnaire qui participa à peine à son éducation, sa première relation amoureuse... -, le narrateur perd soudainement sa chienne. Sam n'est tout simplement plus là où il l'avait attachée. Pétri d'angoisse face à cet ultime abandon, il se lance à la quête de l'animal, probablement volé par des voyous qui organisent des combats de chiens. « Il est même pas midi, j'ai fait tous nos spots à Sam et moi [...]. Sur le chemin entre chaque, je me dis "Si elle est là, je trouve un travail, je cherche un appart, et je m'occupe de mes problèmes", mais à l'arrivée, je trouve qu'un vide qui donne le tournis. »
Sophie Bienvenu, autrice québécoise originaire de Belgique, avait déjà publié un roman remarqué, Et au pire on se mariera (Noir sur Blanc, 2014). Pour Chercher Sam (paru au Québec en 2014), elle s'est inspirée du récit poignant d'un jeune homme rencontré dans la rue, qui s'est confié à elle. Elle restitue son parcours grâce à un style qui épouse celui du personnage - l'écriture traduit un caractère d'urgence permanente, tâtonne entre mémoire et nécessité d'oubli, retranscrit la dimension parlée du langage et l'habitude des Québécois à passer sans transition d'une langue à l'autre : « Dehors, c'est calme. Y a pas de gens, y a pas de voiture, y a même pas de chats. L'air piquant me donne l'impression d'avoir des paper cuts partout sur le corps. » Découpé en chapitres qui alternent les temporalités et les rapports de cause à effet, Chercher Sam est écrit à la première personne, comme un monologue intérieur. « Les itinérants, tu peux leur donner de l'argent, tu peux leur faire un sourire, ou même leur demander comment ça va, mais tu peux jamais, jamais, les toucher. Parce que t'as beaucoup trop peur que notre misère s'attrape. »