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Siri Hustvedt, "Mères, pères et autres" (Actes Sud)

Siri Hustvedt - Photo © Spencer Ostrander

Siri Hustvedt, "Mères, pères et autres" (Actes Sud)

La romancière, essayiste et poétesse Siri Hustvedt publie un nouveau recueil de textes sur les thèmes de la filiation, de la littérature, de la maternité, de la misogynie.

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Par Marie Fouquet
Créé le 05.10.2023 à 14h00

Une dimension universelle. Mères, pères et autres est un recueil de vingt textes qui adoptent une forme hybride, chère à l'autrice, entre l'essai, le récit, la critique, l'autothéorie. Écrits entre 2011 et 2020, ces articles, préfaces, extraits de conférences, interventions à la radio, abordent en premier lieu les questions de la filiation - les souvenirs d'enfance, les figures de la mère, de la grand-mère. Ils glissent progressivement vers une exploration de la littérature, à travers des hommages à des écrivaines, à des artistes, et à leur œuvre (Jane Austen, Emily Brontë, Louise Bourgeois), convoquant aussi des références cinématographiques, philosophiques et anthropologiques. Et c'est une ode à la littérature qui finalement se dessine en filigrane, ainsi que l'affirmation d'une lecture féministe du monde.

La structure du recueil invite à comprendre la construction de l'autrice elle-même : les origines, la formation, puis l'accès à une vision complexe des choses de la vie grâce à tout ce que la littérature offre de savoirs et d'imagination. Issue l'émigration scandinave, Siri Hustvedt décrit le lien qu'elle entretient avec le territoire et l'associe à l'écriture : « J'ai refusé de vivre confortablement dans un seul et unique État, préférant au lieu de cela puiser de très divers aperçus dans des champs différents, dans mes ouvrages de fiction comme dans ceux relevant de la non-fiction. » Dans un de ses textes écrit en avril 2020, pendant la pandémie, elle explore la particularité et la force de la lecture, notamment en temps de crise. « Quand elle est de qualité, la littérature fait intégrer à la dimension personnelle un tout autre territoire faisant revêtir au fil de ce processus une dimension universelle. »

Mais Siri Hustvedt relate aussi les expériences pénibles vécues en tant que femme de lettres dans un environnement intellectuel misogyne. Parmi les anecdotes présentes dans le livre, celle d'une soirée où un homme vient à sa rencontre pour lui dire tout le bien qu'il pensait de l'œuvre de son mari (Paul Auster), l'érigeant en expert de Bakhtine. Siri Hustvedt lui explique qu'en réalité son mari n'a jamais lu une ligne de Bakhtine et que cette référence, présente dans le film Smoke, vient en fait d'elle, qui a lu et apprécie beaucoup ce théoricien de la littérature. L'homme est parti en la dévisageant, excédé par le supposé affront qu'elle venait de faire à son mari.

Plus loin, dans un texte intitulé « Que veut un homme ? », Siri Hustvedt questionne la misogynie et constate que celle-ci « fait partie des attitudes patriarcales et porte en elle une exigence : que les femmes se comportent d'une manière bien précise ».

Mères, pères et autres, s'il comporte une dimension mélancolique et une douce ironie propre à l'autrice, permet d'approfondir encore le lien intense qu'elle crée avec ses lecteurs dans chacun de ses livres, et donne accès à une forme de pensée complexe et sensible du monde, qui apaise et qui soigne.

Siri Hustvedt
Mères, pères et autres
Actes Sud
Tirage: 3 800 ex.
Prix: 24,50 € ; 384 p.
ISBN: 9782330183240

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