L es revues juridiques spécialisées multiplient ces derniers temps les commentaires de jurisprudence relatifs aux affaires de photographie. Les juges semblent en effet désormais s’attacher plus que ces dernières années à chercher si les clichés sont, comme l’exige le Code de la propriété intellectuelle, originaux et donc bel et bien protégés par la propriété littéraire et artistique. Deux décisions récentes illustrent ce soudain retour aux nécessaires interrogations qui sous-tendent le bénéfice de l’application du droit d’auteur. Le 18 mai dernier, la Cour d’appel de Paris a ainsi disséqué par le menu une longue série d’images visant à reproduire les exercices préconisés par le Kamasutra . Les juges d’appel ont été plus sensibles que ceux de première instance qui — blasés ? — avaient estimé « banales » les photographies… Les magistrats d’appel ont en effet soutenu que «  l’examen auquel la cour s’est livré des photographies litigieuses (…) démontre que si certains éléments sont effectivement connus (couple nu sur un drap blanc ayant souvent les yeux fermés, reproduisant des positions ou caresses du Kamasutra) et que, pris séparément, ils appartiennent au fonds commun de l’univers de l’illustration des « techniques classiques du plaisir », les choix opérés (…) et l’impression visuelle créée par leur combinaison telle que revendiquée (…) confère aux clichés (…) réalisés une physionomie propre qui les distinguent des autres clichés du même genre et qui traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur, malgré les contraintes inhérentes au thème  ». En revanche, le 6 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a dénié toute protection à des images prises entre 1950 et 1972 et tirées d’un livre intitulé Le Tour de Paris - les photographies aériennes de Roger Henrard. Les juges considèrent que les « clichés ont été pris à bord d’un avion équipé d’appareils photographiques déclenchés automatiquement et prenant les images par rafale (la photographie le montrant aux commandes de son avion rend parfaitement claire la façon dont les clichés étaient pris et la haute technicité qui y est attachée). (…) l’angle des prises de vue est toujours le même ; (…) la lumière est également toujours la même montant des façades éclairées par le soleil rendant un aspect assez plat des images ; (…) Roger Henrard a méthodiquement et systématiquement fixé les images de Paris par axe, par pont, par place ; (…) son but était d’enregistrer Paris dans tous ses états comme on photographie une œuvre d’art ». En bref, « le photographe se retire devant son sujet pour ne laisser place à aucune émotion personnelle percée et pour permettre au sujet de prendre seul toute la place. Ici, ce sont bien les images de Paris qui occupent la photographie sans aucun effet voulu par l’auteur  ». Le tribunal en conclut que «  ces photographies n’ont donc aucun caractère original et ne portent pas l’empreinte de la personnalité de leur auteur qui a réalisé le travail qu’aurait effectué un autre technicien placé dans les mêmes conditions  ». Voilà donc les juridictions de plus en plus enclines à vérifier que les critères exigés par la loi sont bel et bien remplis. Cette inclinaison n’est pas un revirement de jurisprudence, mais bien plutôt un retour à une stricte exégèse qui ne doit pas exonérer les éditeurs de la paranoïa nécessaire à leur survie lorsqu’ils sont convoqués au sein des palais de justice.  
15.10 2013

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