L'édition 2016 laissera un goût amer aux auteurs, aux éditeurs, aux libraires, aux bibliothécaires et aux sponsors sur l’énergie et les investissements desquels repose l’essentiel du succès du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Il aura d’abord fallu fermer les yeux sur les tractations peu glorieuses menées l’an dernier pendant des mois pour reconduire sans la réviser une organisation dont tous les protagonistes savent les vices et les limites. Il aura ensuite fallu subir la pathétique séquence "grand prix", de la sélection sexiste à l’absence de sélection, et jusqu’à un vote réalisé dans une opacité totale qui démontre l’inanité du dispositif mis en place depuis la disparition de l’Académie des grands prix. Il aura fallu boire le calice jusqu’à la lie avec l’humiliation infligée à des auteurs parmi les plus renommés au monde et à leurs éditeurs en leur faisant croire à tort qu’ils figuraient au palmarès des meilleurs albums de l’année. Il aura enfin fallu supporter que la bande dessinée française suscite, à travers sa manifestation phare, l’ironie et des accusations d’amateurisme dans l’Europe entière et jusqu’aux Etats-Unis.
On l’oublie trop souvent : après le Festival de Cannes et la Fiac, le FIBD d’Angoulême est la manifestation culturelle française dont l’image est la mieux établie à l’étranger. Porté par le dynamisme de la création et de l’édition de bande dessinée francophones, il rayonne de Madrid à Berlin et de New York à Séoul, Tokyo, Shanghai ou Taipei. C’est dire les risques à laisser dériver son identité et son organisation. Comment justifier tant de négligences alors que la bande dessinée et son marché n’ont jamais été aussi vivaces ?
Au fil d’une décennie émaillée de polémiques incessantes, on a pu incriminer des maladresses de communication ou les dissensions entre le Festival et la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Mais le FIBD a démontré cette année sa capacité à dégrader par lui-même son image, sans intervention extérieure. Parmi toutes les manifestations dédiées au livre en France, celle d’Angoulême est, de loin, la plus subventionnée par le Centre national du livre. C’est aussi celle qui suscite la plus forte mobilisation du secteur auquel elle est adossée, des créateurs qui la fondent aux journalistes qui en font la promotion. Il est temps qu’elle fasse l’objet d’une remise à plat.