25 septembre > Histoire Etats-Unis

La part de marché révèle quelquefois la part maudite. C’est ce que nous montre Ben Urwand dans cette étude fouillée, nourrie de documents inédits puisés dans les archives américaines et allemandes. Une investigation sérieuse sur un dossier jusqu’alors peu connu : l’accord entre Hollywood et le IIIe Reich. C’est en effet pour continuer à exploiter leurs films en Allemagne que les compagnies californiennes ont accepté de céder à la pression de la censure nazie.

L’historien, chercheur à l’université d’Harvard, nous raconte comment Louis B. Mayer, le patron de la MGM, projetait ses films au consul allemand à Los Angeles et coupait toutes les scènes que ce dernier n’appréciait pas. Jack Warner fit également supprimer le mot "juif" qui ne fut pas prononcé une seule fois dans La vie d’Emile Zola (1937), où il était question de l’affaire Dreyfus !

Cette soumission dura pendant presque une décennie. Entre 20 et 60 nouveaux films américains furent ainsi projetés chaque année en Allemagne, alors pays détenteur du plus grand nombre de salles de cinéma. Jusqu’à l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1941, les producteurs hollywoodiens cédèrent aux observations de la propagande hitlérienne pour conserver un marché lucratif.

Dans son panoramique, Ben Urwand explique ce jeu délétère entre les producteurs cupides, les réalisateurs frustrés et les scénaristes caviardés. Ce fut le cas pour Trois camarades (1938). Mankiewicz devait être derrière la caméra pendant que Francis Scott Fitzgerald peaufinait les dialogues. Mais, après les demandes de la commission de censure allemande, il ne resta rien des critiques contre les nazis ni aucune allusion aux juifs persécutés. C’est finalement Frank Borzage qui tourna la version édulcorée.

Ce livre passionnant montre aussi combien Hitler et Goebbels étaient fascinés par le cinéma, et le cinéma américain en particulier qu’ils jugeaient très efficace. Ils avaient compris que derrière la distraction, on y diffusait aussi des idées. "Le Führer tira un énorme bénéfice d’un accord dont le contenu fut seulement discuté et connu dans quelques bureaux à Berlin, New York et Los Angeles."

Il a fallu neuf ans d’enquête à Ben Urwand pour casser le mythe de l’antifascisme des studios américains durant les années 1930. De 1942 à 1945, Hollywood partit en guerre contre l’Allemagne. Sur les 1 500 longs-métrages tournés durant cette période, 240 mentionnèrent explicitement le IIIe Reich, et 190 Hitler. Les nazis devinrent les plus grands méchants de tous les temps. The show must go on…Laurent Lemire

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