Prix France-Québec Littérature 2018 pour le remarqué Taqawan (Quidam), Eric Plamondon est un Québécois de 50 ans installé dans la région de Bordeaux depuis une vingtaine d'années. Oyana est nourri de la double connaissance familière de ces territoires à forte personnalité, agités depuis longtemps et parfois violemment par les revendications d'identité et d'indépendance.

Une femme d'une quarantaine d'années, qui a grandi sur la côte du Pays basque nord, à Ciboure, et qui vit depuis plus de vingt ans à Montréal, écrit à son compagnon qu'elle s'apprête à quitter pour se libérer du mensonge et des secrets sur lequel elle a construit sa vie depuis leur rencontre en 1995 à Mexico où elle avait été contrainte de s'exiler après avoir été impliquée dans une opération commando meurtrière de l'organisation Pays basque et liberté, Euskadi ta Askatasuna, plus connue sous l'acronyme ETA. Ramassée sur une dizaine de jours qui suivent le 3 mai 2018, quand l'ETA a annoncé sa dissolution, soixante ans après sa création et sept ans après avoir renoncé à la lutte armée, la fuite d'Oyana, rattrapée par son passé et son histoire singulière, croise les luttes nationalistes contemporaines. Mais elle croise aussi l'histoire millénaire du peuple basque, ces montagnards et ces pêcheurs chasseurs de baleines qui ont découvert l'île de Terre-Neuve, leur langue aux origines inconnues, l'organisation sociale singulière des sept provinces du pays, une longue histoire de résistance au pouvoir central d'un côté ou de l'autre de la frontière franco-espagnole, de cycles d'humiliations et de révoltes. Entrelaçant la confession d'Oyana, les brouillons de sa lettre, les tâtonnements de son récit intime aux chapitres d'une « sorte de roman » qu'elle a commencé à écrire pour parler de son pays sans dévoiler ses propres secrets, Eric Plamondon trouve dans cette narration en fragments un moyen d'explorer des questions sans réponses univoques : l'engagement individuel pris dans le combat collectif, les zones ambiguës, entre résistance et terrorisme, la légitimité de la violence face à la répression d'Etat, le poids du remords et des dettes, les conflits de loyauté... A son compagnon, Oyana ne veut pas « demander pardon » mais lui donner des clés pour comprendre. Comprendre n'est pas justifier, ni excuser. C'est rendre aux faits leur complexité, leur ambivalence. C'est ce que fait subtilement le romancier. Aux lecteurs de tracer leur propre voie.